Violences policières ou violences d’Etat ? (7)

Il y a eu toute une série de modèles coloniaux qui ont été rapportés en Occident, et qui a fait que l’Occident a pu pratiquer aussi sur lui-même quelque chose comme une colonisation, un colonialisme interne. » Michel Foucault L’Etat français et sa police sont -ils racistes ? ( II partie) Nous continuons cette perspective historique, et cette interrogation pour rentrer, plus particulièrement dans notre histoire contemporaine. Afin de sortir de l’explication toujours béate qui persiste encore aujourd’hui, à savoir que cette violence policière n’est que bavure due à des agents particulièrement violents et déviants, faisant ainsi reposer l’entière responsabilité sur la psychologie des personnes et des individus, mêmes si elles ne peuvent en être exemptées de responsabilités, nous continueront à développer ici plutôt la thèse que nous avons à faire à un fait social, qui se fonde sur des modèles structurants. Nous rappelons que nous explorons une histoire de la politique de police dans sa dimension de répression des contestations, manifestations sociales et politiques qui s'opposent au pouvoir dominant. Dans cet article tout en évoquant les répressions sociales de l’après guerre, nous insisterons sur l’influence que les concepts et la doctrine coloniale française ont pu avoir sur la dimension xénophobe et raciste et de l’Etat et de ses forces de police, que ce soit dans la vie politique de ses colonies, ou sur son territoire national et plus spécifiquement dans les territoires de vie et de logement assignés aux populations étrangères, immigrés, des minorités et à leurs enfants dans les décennies qui ont suivies les luttes de libération des colonies françaises.

Répression des grèves de mineurs 1947-1948 Rappelons que les grèves des mineurs de 1947 et de 1948 s’inscrivent dans une longue tradition de lutte et de conquêtes ouvrières, ne serait ce que tout le long de la dernière décennie de cette époque, qui a pu voir des conflits violents entre le mouvement ouvrier et le patronat, suivi de séquence de répression systématique. La grève de 1948 va voir entre 60 à 84% des 340.000 mineurs faire grève du 28 septembre au 30 novembre 1948, dans toute la France. Dans ce contexte de contestation et de mécontentement populaire, le gouvernement socialiste (Jules Moch) : - Va créer les IGAM (Inspecteurs généraux de l’administration en mission extraordinaire) afin de remplacer les Préfets de région instaurés par Vichy et démis de leurs fonctions après la libération. Va épurer les compagnies républicaines de sécurité des personnels issus de la Résistance ou de sensibilité de gauche. Onze compagnies seront dissoutes. Le 4 décembre 1947 le droit de grève est supprimé dans les forces de l’ordre Les décrets Lacoste supprime le monopole de la coopérative centrale du personnel des mines (CCPM) qui jouait un rôle essentiel dans le soutien social et le ravitaillement alimentaire des mineurs.

Va contribuer, avec l’aide financière des Etats-unis, à scissionner le syndicat CGT sous influence communiste, en créant le syndicat Force Ouvrière. - C’est à l’occasion de cette répression que le pouvoir socialiste autorise les forces de l’ordre à généraliser l’usage des gaz lacrymogènes (après les avoir expérimenté sur les ouvriers en grève de la Régie Renault) et des lances à eau, alors que des officiers de police y étaient réticents. (G Tyrakowsky, “La grande grève des mineurs de 1948 “ p 555) Le 3 octobre 1948, Jules Moch, fait occuper les mines de charbon de Lorraine avec autorisation de l’ouverture du feu à balles réelles. -Intervention de l’armée Le bilan fut de 6 morts, 3000 arrestations, 2.783 condamnation, dont 1.073 peines de prions ferme, 3000 licenciements. 5 ans plus tard, les grèves des fonctionnaires et des mineurs du Pas-de-Calais de 1953, feront eux 7 morts, la plupart des victimes étant des travailleurs algériens, qui n’avaient pas voulu fondre leur cortège dans celui des “métropolitains“ (P.Roger: Les grèves de 1953 dans le Pas de Calais. Revue Nord 2007/1 n°369). Quelques réformes interviennent ensuite : 
 - en 1961, le service central de coopération international est fondé dans le but de former les polices des pays de l'Afrique francophone.

De la guerre d’Algérie aux quartiers populaires un continuum de pratiques violentes. D’octobre 1961, en passant par les années 1970 et jusqu’à nos jours, de nombreux meurtres “d’arabes ou d’africains“ vont se perpétrer, dont beaucoup, par la police, de 1961-2024, ce serait plus de 1000 personnes tuées par la police (1) . Ce fait social est qualifié par certains universitaires “d’arabicide“. (2). Dans la lignée de la pensée de Frantz Fanon (1925-1961 martiniquais, psychiatre et militant anticolonialiste) les associations, les mouvements sociaux et politiques, des banlieues populaires à forte concentration d’immigrés et d’enfants d’origine nord-africaine qui subissent depuis près de 50 ans, le prix du sang, dénoncent la “colonialité“ du pouvoir (3), qui ancrerait les pratiques policières directement dans le passé colonial de la France. La relégation et la ségrégation des populations étrangères, immigrées, et des minorités dans des quartiers spécifiques, le traitement particulier et ciblé des enfants de ces générations (dont ceux de la 1ère génération ont maintenant bientôt 60 ans), par un système politique et policier imposant un harcèlement et une domination quotidienne, ont amené certains chercheurs à parler de ces quartiers, de “rapport néo-coloniaux“ ou comme des enclaves “endocoloniale“ (4) .

Si, il existait déjà en 1930 une brigade nord-africaine, (BNA) en métropole, l’expérience de pratiques militaires et policières, appliqués massivement sur des population entières, que ce soit au Maroc ( premier pays ou la population civil a été bombardé par des armes chimiques de 1921-1927, par l’armée espagnol, dont le Tercio de Estranjeros était commandé par Franco) ou dans l’empire colonial d’Afrique subsaharienne entre les deux guerres, ou après la guerre (39-45) en Indochine, a été d’une part intégré mais surtout synthétisé et élevé au rang de doctrine pendant la guerre d’Algérie . Ce qui faisait dire à Michel Foucault ; « Il ne faut jamais oublier que la colonisation, avec ses techniques et ses armes politiques et juridiques, a bien sûr transporté des modèles européens sur d’autres continents, mais qu’elle a eu aussi de nombreux effets de retour sur les mécanismes de pouvoir en Occident, sur les appareils, institutions et techniques de pouvoir. Il y a eu toute une série de modèles coloniaux qui ont été rapportés en Occident, et qui a fait que l’Occident a pu pratiquer aussi sur lui-même quelque chose comme une colonisation, un colonialisme interne. » (5)

La Bataille d’Alger (1957) un cas qui fera école dans le monde et dans nos banlieues. Tout d'abord rappelons que la Guerre d'Algérie (1954-1962) s'inscrit dans la continuité de la guerre coloniale que vient de perdre la France au Vietnam. En effet les désastres militaires de "Cao Bang‘ en 1950 (2000 soldats français tués et 2500 prisonniers qui vont subir l'horreur des camps de rééducation du Vietminh), puis celui de Mars 1954 à Diên Biên Phu (3000 soldats français tués et 12.000 prisonniers dont la moitié sont blessés) vont “traumatiser“ les sous-officiers et officiers de l'Armée française, qui ont comme corpus idéologique, le maintien de l'Empire Français et un anti-communisme viscérale. Ils vont donc mettre en place toute une doctrine de la guerre contre révolutionnaire, avec la mise en place de la guerre psychologique des l'Indochine. L'ensemble de ces militaires se retrouveront en Algérie, avec une haine , une revanche à prendre dans la ferme intention de “laver leur honneur“.(6) D'autre part mentionnons que les forces politique de Gauche (SFIO et PCF) ainsi que l'ensemble des partis politiques de l'Assemblée Nationale, le 12 mars 1956, accordaient les pouvoirs spéciaux au gouvernement du socialiste Guy Mollet pour poursuivre la guerre en Algérie. En conséquence le 17 mars, Guy Mollet (SFIO) donnait par décret les pleins pouvoirs à l’armée française en Algérie. Celle-ci, qui n'en demandait pas moins et ainsi que les forces de police, allaient s’en servir en employant les pires méthodes contre la population algérienne et le Front de libération nationale, multipliant massacres et opérations arbitraires et généralisant l’usage de la torture. La police passera de fait sous commandement de l'Armée et participera aux pratiques d'exécution et de torture sur la population algérienne. La racialisation d'une population et l'application d'une politique ségréguationniste, sous couvert de lutte contre le terrorisme, va être mise en place à grand échelle. Marcel Bigeard l'avouera plus tard, dans son ouvrage "Pour une parcelle de gloire" :<< un poseur de bombes peut parfaitement se dissimuler sous l'apparence d'un honnête travailleur. La contre partie terrible et raciste est évidente : tout musulman devient suspect>>. Le fait est extrêmement rare pour le signaler, ici : Jean Mairey, résistant compagnon de la Libération et Directeur Général de la Sureté Nationale du 1 er juillet 1954 va documenter et dénoncer dans des notes et rapports la généralisation de la torture auprès des autorités de la république ( F.Mitterrand) sans qu'aucune mesure ne soit prise, il démissionnera de ses fonctions en Janvier 1957. << Dans ces excès, la police à sa part, l'armée à la sienne... Il m'est intolérable de penser que des policiers français puissent évoquer par leur comportement les méthodes de la gestapo. De même, officier de réserve, je ne puis supporter de voir comparer les soldats français, aux sinistres SS >> La bataille d'Alger est un cas d'école ou tout le savoir faire de l'Ecole Française sera mise en oeuvre et constituera un modèle pendant de longues années que ce soit aux Etats-Unis, en Amérique Latine ou en Israël, un modèle pour lutter contre des populations civiles hostiles. Il faut rappeler que La bataille d'Alger, a été une bataille gagnée par les militaires français. Si elle constitue bien la revanche de l'Indochine, et le terreau du putsch des généraux d'avril 1961, elle est aussi la réussite parfaite sur laquelle des doctrines de contrôle de population et de lutte contre des mouvements subversifs seront appliqué plus tard en métropole même. En effet l’ensemble de ces savoir-faire qui ont “admirablement réussit“ dans la conquête d’un territoire urbain ( la Casbah d’Alger) et contre une population civile (actions psychologique, communication/propagande et fake news, en direction des médias, renseignement/manipulation, infiltration, torture, bombes, assassinats) sera en partie déployé en métropole.

Le Colonel Roger Trinquier, suspecté de collaboration avec les japonais pendant la guerre, deviendra quand même officier du SDECE (ancêtre de la DGSE) en Indochine, puis adjoint du général Massu en Algérie. Il sera le vrai théoricien de cette guerre en direction de la population arabe et musulmane. Il nommera son opération ; “dispositif de protection urbaine“ (DPU) et son concept de “guerre subversive“ fera école dans le monde entier et particulièrement au USA, où la CIA l’emploiera d’abord au Vietnam, puis, le FBI pour lutter contre les leaders noirs américains qui se battaient pour les droits civiques. Le colonel Trinquier prendra part au coup d’Etat d’Alger du 13 mai 1958, restant jusqu’à sa mort “Algérie Française“, ce qui ne l’empêchera pas de finir sa carrière à l’état major du commandement de la région de Nice. Mentionnons le fait assez rar

C’est bien dans le contexte de la guerre d’Algérie que va se théoriser (commissaire Le Mouel) le concept “d’anticriminalité“ dans les quartiers populaires et “arabes“. Lors de cette bataille, le pouvoir gaullien, va tester et expérimenter les techniques de contre-insurrection en direction de l’ensemble d’une population civile et l’exporter sur le continent. L’application de cette politique se fera d’autant plus facilement que de 1969 à 1974 fut nommé comme premier préfet de Seine St Denis, le tristement célèbre mais jamais jugé Pierre Bolotte. C’est lui qui expérimentera (sous l’impulsion de l’officier de paix principal Claude Durant) la première Brigade anti-criminalité (BAC) en 1971 en Seine St Denis, avant qu’elle ne prenne son véritable essor au début des années 1990. La Bac 93 est « créée sur le principe d’une pacification intérieure pour laquelle il faudrait des unités policières particulièrement rentables et productives susceptibles de mener une guerre de basse intensité, des commandos policiers » (7) Compte tenu du pédigrée de cette personnalité, nous lui accorderons quelques lignes, quand au sujet de son action en Guadeloupe en 1967.

La Police du 17 octobre 1961 à mai 1968 Cette police n’ayant connu aucun changement structurel depuis l’occupation, il n’y aura donc rien d’étonnant de voir surgir, quelques années plus tard (17 octobre 1961 jours précédents et suivants) à nouveau la barbarie de l’Etat Français et de sa police, en plein Paris. Dans le contexte de la guerre d’Algérie, un attentat du FLN avait tué, un mois avant, cinq policiers, et faisant une dizaine de blessés parmi les forces de l’ordre. Le gouvernement dirigé par Michel Debré (pro Algérie Française et maître d’oeuvre de la déportation dans les années 1960, de près de 2000 enfants réunionnais dans les départements français)) prend la décision raciste pour les Français musulman d’Algérie (FMA est la création d’une catégorie discriminatoire de fait à vocation policière) de leur interdire de sortir de 20h30 à 5h30 du matin. Bravant cette interdiction et à l’appel du FLN, la population algérienne avec femmes et enfants partant de l’ensemble des bidonvilles de la banlieue parisienne, viendra manifester pacifiquement à Paris. Des scènes de crimes, de massacre vont avoir lieu en plein Paris, contre une population civile. Bilan officiel : 3 morts

Des dizaines et dizaines d’algériens furent massacrés au pistolet, à coups de gourdin, de crosses, étranglés et ou jeter et noyés dans la Seine par la police parisienne sous les ordres du Général de Gaulle, du premier ministre M. Debré du ministre de l’intérieur Roger Frey et du Préfet Maurice Papon. Ce dernier personnage tristement connu, avait échappé lui aussi à l’épuration et deviendra ministre du budget du président Giscard d’Estaing, malgré les crimes commis sous l’occupation et en octobre 1961. Il fut reconnu coupable en 1998 de crimes contre l’humanité concernant des actes d’arrestation et de séquestration des juifs de la région bordelaise vers le camp de Drancy et ensuite acheminés vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Bilan d’octobre 1961: 11.500 arrestation, entre 80 et 400 morts. L’historien Enaudi, qui fut à l’origine des premières recherches parlera de 200 morts et 193 disparus (Voir note n°19 dans article N°3 de notre série).

Ce même 17 octobre 1961, un jeune journaliste commençant sa carrière va réaliser son premier reportage radio sur un des ponts de Paris pour la radio de l’ORTF, et attestera que la manifestation se passe sans incidents. Il s’appelait Jean Pierre Elkabach…ce qui lui ouvrira une grande carrière journalistique. On sait, preuve à l’appui (Archives De Gaulle)/ Médiapart) que le pouvoir a été très vite au courant de l’ampleur de ce massacre (note du 6 novembre 1961de Bernard Tricot à De Gaulle qui parle de 54 morts) mais n’a strictement rien fait et a surtout laissé le récit de la dénégation se construire et se développer jusqu’à nos jours dans la société et dans l’institution Police. (Article du colonialiste et fascisant B.Lugan “le 17 octobre 1961 un « massacre imaginaire ») Pourtant Bernard Tricot conseiller du 1er président de la république de la V ème république écrivait déjà dans sa note « le risque de laisser se développer dans la police un processus dont l’extrême danger s’est révélé au cours des dernières années dans d’autres formations …Il faut que le ministre de l’intérieur prenne vis-vis de la police une attitude d’autorité, qu’il ne prend pas ».

B.Tricot faisant clairement allusion, ici à la rébellion au sein de l’armée française dans le conflit algérien et qui venait de voir la création de l’organisation de l’armée secrète OAS. Trois mois plus tard (à Charonne) le pouvoir politique et sa police parisienne remettait “le couvert“ contre une manifestation communiste et d’une partie de la gauche, non pas en soutien de ce massacre d’octobre 1961, ni pour demander l’indépendance algérienne, mais simplement pour la paix en Algérie : bilan neuf morts. C’est donc un crime raciste perpétré par les dirigeants de la V ème république, le plus atroce depuis la Saint Barthélémy, qui a bien eu lieu ces jours de 1961 en plein Paris. Encore une fois, comme à la Libération, le pays étant de nouveau dans un climat de fragilisation des institutions, le Général de Gaulle prendra alors la décision de ne pas contrarier l’institution Police, pour sauvegarder sûrement sa sécurité physique (qui était déjà suffisamment menacé) et celle du régime politique. En 1966, tous les corps de police sont intégrés dans la police nationale (sauf la police municipale).

Massacre de Guadeloupe Mai 1967 Nous revenons donc sur les actes et méfaits de Pierre Bolotte. Il fût administrateur du régime de Vichy, puis administrateur colonial, il participe à la répression en Indochine, comme en Algérie, s’opposant à Paul Teitgen, il couvre les exactions des militaires français et empêche la commission d’enquête menée par Maurice Garçon d’accéder aux documents qu’elle demande. De1958-1962 il est muté à la Réunion, où il développe de nouveau une politique de “pacification des territoires“ par des méthodes de contrôle social, de répression.Il participe avec zèle au développement des programmes de dépopulation : contraception forcée et immigration forcée vers la métropole En juin 1965 il est en poste en Guadeloupe, avec le titre de Préfet, il tente de mettre en place par des moyens extra-légaux une politique d’avortement forcées. Devant la libération des îles de la Caraïbes : Cuba (1959), Jamaïque (1962) Guyana Britannique ( 1966) et de l’Algérie (1962) un mouvement indépendantistes Guadeloupéen s’organise. La répression aux Antilles se déroulera de 1959 à 1969 avec des dizaines de morts. Dés 1965, dans ce contexte de guerre froide et de guerre d’indépendance dans les colonies, il est qualifié par le pouvoir gaulliste (J.Foccart), de mouvement subversif en vue d’une guerre révolutionnaire menée par le “communisme internationale“. Dans le domaine économique, il va réorganiser la production bananière (modèle martiniquais) et va engage l’île dans l’industrie tourisme. Mais son plus grand fait d’arme est son application parfaite des directives du Ministre de l’intérieur de l’époque Christian Fouchet (Gvt Pompidou) dans la répression et le massacre qu’il va perpétrer les 26 et 27 mai 1967 en faisant tiré sur la foule des manifestants, lycéens compris. Bilan officiel : 7 ou 8 morts.

En 1985 le secrétaire d’Etat aux Dom-Tom, Georges Lemoine établira sur la base des documents des renseignements généraux le chiffre de 87 morts certains historiens avançant le chiffre de 200 morts. Il est historiquement clair aujourd’hui, qu’une grande partie de la haute administration coloniale (Ministère, préfet, police, militaire,) en charge de la gestion de l’empire Français, se retrouve comme point de chute soit à la réunion, soit au Antilles. En 1962, le ministre des armées Messmer signe l’implantation de la Légion étrangère en Guyane. Dans le quotidien algérien, El Moudjahid, Frantz Fanon signe un article le 5 janvier 1960 « le sang coule aux Antilles sous domination française… Ainsi donc les vieilles colonies elles aussi empruntent le chemin de la “Rébellion “ Ces fleurons de l’Empire, ces pays castrés qui donnèrent tant de bons et loyaux serviteurs se mettent à bouger » (8)

La Police en 1968 En 1968, la conjonction du départ à la retraite (les années précédentes) de nombreux policiers, ayant exercés sous le gouvernement de Vichy, d’une réorganisation de la police et d’un préfet de police “humaniste“, Maurice Grimaud, permis sans conteste d’avoir un bilan beaucoup moins lourd, que si la jeunesse française et la classe ouvrière avaient du faire face à la police de 1942 ou celle de 1961. Maurice Grimaud, pouvait par exemple déclarer à l’époque : « Frapper un manifestant tombé à terre c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière » (lettre aux forces de police du 29 mai 1968). Il serait opportun d’inscrire une telle déclaration dans tous les commissariats. Mais contrairement aux idées reçues, “Il n’y a eu aucun mort en mai 1968 “ , les historiens sont aujourd’hui formels : Il y a eu sept morts au cours des manifestations de mai-juin 1968. Les forces de l’ordre ont tiré deux fois à balles réelles : le 30 mai dans le Calvados, tuant un jeune homme, et le 11 juin devant l’usine de Sochaux à Montbéliard, abattant l’ouvrier-serrurier Pierre Beylot, 24 ans. Si les manifestants de rue n’ont pas utilisé d’armes létales, pour autant, Mai 1968 n’a pas été une révolution de « carnaval »,  de « saturnales » menées par « la jeunesse dorée du XVIe arrondissement », comme a pu l’écrire, d’une façon méprisante, Raymond Aron.

Comme l’indique Fabien Jobard, sociologue de la police « La thèse développée après coup d’une police responsable, pleine de sang-froid, à la violence contenue ne correspond pas à la réalité, même si, grâce à des hommes comme le préfet Maurice Grimaud, le pire a été évité. » (9). En dehors de période exceptionnelle comme celle de 1961-1962 ou de mai 1968, il n’en demeure pas moins que le bilan est tout de même excessivement lourd en ce qui concerne les violences policières que subissent la population civile ou plutôt une partie d’entre elle. En effet des années 1950 à nos jours, plusieurs centaines d’affaires de violences graves ou de meurtres par la police ne vont cesser de “défrayer“ la chronique. Devant les acquittements systématique des policiers, mis en cause dans ces affaires, François Mauriac pouvait déjà écrire en 1954, dans le Figaro « Il y a beau temps que la torture est rétablie chez nous » et Aline Alquier, quelques années plus tard, dans le journal l’Humanité, écrivait « Les policiers peuvent retenir une leçon c’est que tout, désormais, leur est permis ». Ce que Casamayor ( alias Serge Fuster, juge d’instruction et président de chambre à la cour d'appel de Versailles.) traduisit toute sa vie par “Où sont les coupables ?“ (titre de son 1er livre en 1953 à propos de l’affaire Ben Barka).

Bernard Langlois (10) sera un des premiers a en compiler le dramatique recensement ce qui lui vaudra lui et son éditeur, Paul Flamand, directeur du Seuil, d’être l'objet de cinq plaintes de la part du ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin pour "diffamation envers la police“ qui aboutiront à cinq procès de 1971 à 1973. “Faut-il qu'il y ait deux justices, l'une pour les policiers et l'autre pour les non policiers ?.“ Disait déjà un des personnages du film “ Les assassins de l’ordre“ de Marcel Carné en 1971. Notes article (1) Nous avons construit ce chiffre sur la base du chiffre des morts d’octobre 1961 : 300 personnes tuées (version haute) et celle du chiffre de Nicolas Bourgoin depuis 1977 (démographe, docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales et enseignant-chercheur et spécialiste des questions de police et de prison,): 600 personnes tuées; Manque la période de 1961- 1976, nous avons appliqués une moyenne de 4 morts/ an (source : la gendarme rit) ce qui ferait 60 morts pour cette période. Nous arrivons donc à un chiffre de 960 morts ce qui constitue avant tout un ordre grandeur, qui se rapprocherait le plus de la réalité. En 2017 l’IGPN, (l’inspection générale de la police nationale) a communiqué le bilan des tués et blessés lors d'opérations de police. Une grande première ! En 2018 il n’aurait pas renouvelé l’expérience. Bilan 14 morts et une centaine de blessés avec plus de huit jours d’incapacité de travail. Le décompte pour la gendarmerie et les polices municipales ne sont pas pris en compte . https://bourgoinblog.wordpress.com/2019/02/16/la-police-tue-toujours-plus/ Pour le site de presse en ligne Bastamag 2017 a vu la mort de 18 personnes tuées par balles par la police et/ou la gendarmerie, 15 morts suites à des poursuites, 1 par Flasball Selon le site de presse en ligne Street Press comme l’ONG chrétienne ACAT, qui ne comptent pas les morts causés par les poursuites policières, totalisent quant à eux 47 personnes tuées de 2007-2017 . Aucun fonctionnaire ne fera de prison. https://www.streetpress.com/sujet/1495554039-morts-victimes-police. Le Collectif vies volées estime qu’une personne est tuée en moyenne tous les vingt jours, donc environ 18 personnes par an. Tout comme l’ACAT elle promeut la campagne « Laisser nous respirer ! » campagne pour l’interdiction des techniques d’immobilisation mortelles. Le site http://www.urgence-notre-police-assassine.fr/ recense les morts et les blessés de 2005 à 2015, liste non exhaustive. L’historien Maurice Rajsfus et son Observatoire des libertés publiques : entre 1994 et 2014, l’observatoire a publié un bulletin mensuel sur « les nombreux méfaits d’une police trop souvent hors la loi ». http://quefaitlapolice.samizdat.net/ Selon le site http://lagendarmerit.free.fr/ de 1972-2012 ce serait 227 personnes morts d’origine maghrébine ou africaines, qui seraient mortes sous les coups de la police. (2) Mathieu Rigouste “ La Domination policière; une violence industrielle “ La Fabrique 2012 (3) Aníbal Quijano Obregón  (1928-2018) sociologue et théoricien politique péruvien. il développa le concept de colonialité du pouvoir. « Race » et colonialité du pouvoir Mouvements 2007/3 (n° 51), (4) “la ségrégation endocoloniale“ dans “la domination policière“ Mathieu Rigouste. La Fabrique 2012 (5) “Il faut défendre la société“ Michel Foucault, Cours collège de France du 4 février 1976 (6) Escadrons de la mort L'Ecole Française. Marie-Monique Robin La Découverte 2004 (7) Guadeloupe Mai 67 Elsa Morin; Libertalia 2023 (8) Ibid (9) Le Monde 16 mars 2018 (10) Bernard Langlois auteur de “ Les dossiers noirs de la police française“ Edition du Seuil,

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