Octobre 1961 un massacre d’Etat impuni

Le 17 octobre 1961 (mais aussi tout le long du mois) un massacre d’Etat a bien eu lieu en plein Paris et en France. Plus de 11.000 algériens raflés et enfermés dans des camps, des centaines de morts et de blessés. Pas un policier n’a été blessé, ni tué par balle. Pour ce 60 ème triste anniversaire Nous publions les photos d’Elie Kagan (1) sur les massacres 17 octobre 1961, sur la manifestation des femmes devant la Prison de la Santé et de la Roquette le 20 octobre 1961 et celle sur la manifestation des intellectuels à l’appel du PSU le 1 er novembre 1961, où se rendra J.P Sartre . Manifestation qui ne sera guère suivi et surtout avec aucune présence des organisations politiques et syndicales de gauche. Voir notre reportage de 2018 avec un des derniers témoins

“Elie Kagan a été terriblement choqué du peu de marques de solidarité du peuple français cette nuit là, y compris des « représentants de la classe ouvrière », excédé par les multiples saisies et censures le camouflage et l’occultation par l’Etat des faits dont il a été le témoin clé, il ne cessera par la suite de dénoncer toute marque de racisme et de participer activement à toutes les manifestations contre l’oubli de ce massacre. Elie Kagan est né à Paris le 26 mars 1928, d’origine juive polonaise, il a échappé de peu aux rafles antisémites. Autodidacte, passionné par le monde social et politique . Il se qualifie lui même de reporter engagé, tiers – mondiste…il sera un photographe libre, archiviste de tous les mouvements contestataires.“ (1)

Le contexte : “Afin de dénoncer pacifiquement le couvre-feu ordonnant aux seuls Français musulmans d’ Algérie (FMA) « de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue et plus particulièrement de 20:30 à 05:30 du matin », instauré le 5 octobre par Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, et par Roger Frey ministre de l’Intérieur, des milliers d’Algériens quittèrent leurs bidonvilles et ghettos de banlieue, en habits du dimanche afin de témoigner de leur dignité, bravant le couvre feu qui leur était imposé, pour protester contre l’arbitraire et l’injustice. La répression par les forces policières fut féroce et sanglante et dégénéra en véritables rafles, ratonnades et massacres . Le récit en images et oral d’ « Elie Kagan, le témoin » rapporté par Jean-Luc Einaudi marque le début de la carrière d’un photo-reporter engagé tout en posant la question de la valeur d’une photographie comme témoignage, comme trace probante d’évènements longtemps niés.“ (1)

“Théoriquement, les charges de la police française visaient à diviser les manifestations en petites poches, et à disperser les manifestants ; mais il était clair que ce soir, la police voulait du sang. .... Le long de la Seine, des policiers ramassaient des Algériens inconscients et les jetaient dans le fleuve.“ William Gardner Smith, Nous citons quelques témoins importants (parmi d’autres) Les témoins photographes : Georges Azenstarck (2), Elie Kagan Documentaire 1961 Octobre à Paris de Jacques Panijel 2010 “ Ici on noie les Algériens “ Un film de Yasmina Adi, Les témoins Ecrivains : 1963 The Stone face, de William Gardner Smith, auteur noir américain. Il est seulement traduit aujourd’hui en octobre 2021 : Le Visage de pierre chez Christian Bourgois, à l’occasion des 60 ans du 17 octobre 1961. Quelques lignes à la fin du roman évoquent le 17 octobre 2021

1984 Meurtres pour Mémoires, de Didier Daeninckx Les témoins historiens : 30 octobre 1961 article de Pierre Vidal Naquet dans le journal “ Vérité et Liberté“ 1991 Jean Luc Einaudi, “La Bataille de Paris“ Il estime a 393 victimes algériens dans cette période d’Octobre 1961  Gilles Manceron 1962 “Le 17 octobre des Algériens “ 2011 “La Triple Occultation d’un massacre“ Jim House et Neil MacMaster : Paris 1961 Brigitte Lainé et Philippe Grand, archivistes Ils ont joué un rôle important dans l’historiographie du massacre des Algériens le 17 octobre 1961 à Paris.  Brigitte Lainé a témoigné au procès Papon, ( Procès Papon /Enaudi) pour désigner cet événement comme un massacre. Elle estime au vu des documents en sa possession près de 63 victimes ce jour Son témoignage lui vaudra un respect immense de bien des historiens, en France comme à l’étranger. Mais il faut savoir que son témoignage au procès Einaudi lui aura coûté cher : “Dès le lendemain du procès,  une enquête administrative en vue d'un conseil de discipline est ouverte”. S’en suivent quatre années à peine croyables, pour les deux témoins de Jean-Luc Einaudi, dont on apprendra plus tard qu'ils seront tout simplement mis au placard, livrés à eux-mêmes, défaits de leurs recherches, interdits d’accès aux chercheurs et même privés d’ordinateur. 

2011 -17 octobre 1961 Un Crime d’Etat Olivier le Cour Grand Maison -La police parisienne et les Algériens (1944-1962), Emmanuel Blanchard, Paris Nouveau Monde éditions.  “Le silence qui a entouré le 17 octobre 1961 pendant près de trois décennies n'a rien d'énigmatique . Trois facteurs ont contribué à la "dissimulation du massacre" : la négation et la dénaturation immédiates des faits de la part de l'État français, prolongées par son désir de les cacher ; la volonté de la gauche institutionnelle que la mémoire de la manifestation de Charonne contre l'OAS en février 1962 recouvre celle de ce drame ; et le souhait des premiers gouvernants de l'Algérie indépendante qu'on ne parle plus d'une mobilisation organisée par des responsables du FLN qui étaient, pour la plupart, devenus des opposants. Trois désirs d'oubli ont convergé. Ils ont additionné leurs effets pour fabriquer ce long silence.“ Gilles Manceron. Rappelons que beaucoup de policier en 1961, avaient déjà participé à la chasse et aux rafles des juifs de 1941, il y avait bien là une continuité fasciste au coeur même de la police. Pour finir citons la note de Paul Rousseau dirigeant du syndicat de police SGP (le plus représentatif,) dans le magazine syndical, qui devant les ordres du pouvoir (Préfecture de Police et Ministère de l’intérieur) exhorte ses camarades afin qu’ils ne soient pas emporté par une vague de haine. Exemple à suivre pour la police d’aujourd’hui. « Camarades du SGP, ne vous laissez pas aller à des actes qui ne sont pas en accord avec votre manière de penser ; groupez-vous autour de vos cadres syndicaux, agissez comme des hommes représentant la justice, et non comme des justiciers (…) Chef d'État, Gouvernement, entendez la voix de ceux qui sont chargés de vous protéger. Des pères, des mères, des enfants, d'un seul cœur vous adjurent d'arrêter cette guerre meurtrière et de négocier la Paix » (3) Notes (1) C’est La Contemporaine qui conserve depuis 1999, le fonds photographique et les archives professionnelles comportant environ 300000 documents. Et dont publions une partie du texte consacré à ce photo reporter. (2) Georges Azenstarck Ses photos sont conservées à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, la bibliothèque Roger Viollet. (3) Jean-Paul Brunet, Police contre FLN : Le drame d'octobre 1961, Paris, Flammarion, 1999,

Commentaires