LE NUCLÉAIRE, POTION MAGIQUE OU POTION FATALE POUR LE CLIMAT ?

Article de François VALLET – Ingénieur en génie climatique, énergétique et environnement EDF et Orano sont empêtrées dans des fiascos industriels et financiers. Pour rafistoler leurs installations à bout de souffle, et pour éventuellement en construire de nouvelles, il faudrait beaucoup d’argent. Comme l’Etat n’en a pas, le Président Macron rase gratis et promet en même temps, un concept de petit réacteur modulaire paré de toutes les vertus et un projet de construction de 6 nouveaux méga-réacteurs EPR. Mais celui de Flamanville n’est toujours pas en service et un des deux EPR chinois est en rade, très probablement à cause d’un défaut de conception rédhibitoire pour cette filière. A défaut de disposer des capitaux nécessaires à sa survie il lui faudrait au moins des avantages indiscutables. Mais il n’y en a quasiment plus en stock après les catastrophes majeures provoquées par cette industrie. Le seul espoir qui reste aux tenants de cette énergie est sa faible émission de CO2, systématiquement mise en avant à grand renfort de campagnes publicitaires. Or, il semblerait bien que les émissions de CO2 ne soient pas la cause principale du réchauffement climatique. Une hypothèse renversante : les émissions de chaleur, dues aux consommations d’énergies fossiles et à la fission nucléaire, sont la principale voire unique cause du réchauffement climatique. Plusieurs scientifiques ont mis en évidence le rôle des émissions de chaleur dans le réchauffement climatique. Parmi ceux-ci Bo Nordell et Bruno Gervet, de l’Université de technologie de Luleå en Suède, ont publié en 2009 une étude à ce sujet dont voici un extrait : « L'augmentation de la température globale de l'air est une mesure inadéquate du réchauffement climatique, qui devrait plutôt être envisagé en termes d'énergie. Le réchauffement climatique en cours signifie que la chaleur s'accumule depuis 1880 dans l'air, le sol et l'eau. Avant d'expliquer ce réchauffement par des sources de chaleur externes, les émissions de chaleur nettes sur Terre doivent être prises en compte. Ces émissions à partir, par exemple, de l'utilisation mondiale de combustibles fossiles et d'énergie nucléaire, contribuent au réchauffement climatique. Le but de cette étude est de comparer globalement la chaleur accumulée et émise. .... Il a été constaté que les émissions nettes de chaleur, de 1880 à 2000, correspondent à 74% de la chaleur accumulée, c'est-à-dire au réchauffement global, pendant la même période. La chaleur manquante (26%) doit avoir d'autres causes, par exemple, l'effet de serre, les variations naturelles du climat et/ou la sous- estimation des émissions nettes de chaleur....» Dimitre Karamanev, de l’Université de London en Ontario (Canada), a publié en avril 2021 une autre étude qui aboutit à des conclusions encore plus radicales : « L'utilisation de différentes sources d'énergie primaire dans la société humaine a conduit à deux émissions polluantes majeures dans l'environnement : l'énergie (principalement la chaleur) et les substances chimiques (principalement le dioxyde de carbone). Dans cet article, les émissions anthropiques mondiales totales de chaleur dans l'atmosphère au cours de l'ère industrielle (années 1850-2018) ont été déterminées et leur effet sur le changement de la température atmosphérique globale a été calculée.... Les calculs résultants se sont rapprochés de près du changement de température atmosphérique réel enregistré au cours de la dernière période de 170 ans. Ces résultats suggèrent que le changement de température de l'atmosphère (le réchauffement climatique) est entièrement dû aux émissions de chaleur anthropiques. » Une réalité incontournable : les centrales nucléaires françaises émettent de grandes quantités de chaleur et réchauffent la portion de planète sur laquelle elles reposent ou qu’elles côtoient. Une étude thermique du Rhône, réalisée par EDF et publiée en mai 2016, montre que les rejets de chaleur des centrales situées entre Saint-Vulbas (à l’amont de la centrale nucléaire du Bugey) et Aramon (à l’aval de la centrale de Tricastin) ont provoqué en moyenne annuelle une augmentation de la température des eaux du Rhône de 1,2°C sur une augmentation totale de 1,4°C (comparaison entre la période 1988-2010 et la période 1920-1977). C’est tout à fait considérable bien que ça ne représente qu’une partie du problème : sur les 14 réacteurs nucléaires en bord de Rhône, 6 sont équipés de tours de refroidissement qui évacuent une partie de la chaleur dans les eaux du fleuve et l’autre partie dans l’air sous forme d’eau évaporée.

A l’échelle de la France, la chaleur perdue par l’ensemble des réacteurs nucléaires en 2017 (828 TWh) correspond à plus de 2,3 fois les consommations d’énergies finales pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de la totalité des logements (357 TWh). Et c’est près de 3,4 fois ces consommations si on considère la totalité de la chaleur dégagée par les réactions de fission dans les réacteurs (1 207 TWh). Fort heureusement, à l’échelle mondiale, la production d’électricité nucléaire est très peu répandue à cause de son coût prohibitif. Elle ne fournit que 2% de toutes les énergies consommées ce qui rend très peu perceptible l’effet de ses rejets de chaleur sur le climat global. Mais en France, près de 19% de toutes les énergies consommées en 2020 sont issus de l’uranium (importé en totalité) et de la fission atomique dans des centrales nucléaires1. Or celles-ci émettent plus de chaleur, par unité d’électricité produite, que la plupart des autres techniques de conversion de chaleur en électricité. Les émissions de chaleur très concentrées, dans des centrales de forte puissance et de faible rendement, perturbent la météorologie locale et s’ajoutent aux émissions de chaleur dues aux combustions. Loin d’atténuer le réchauffement climatique, l’énergie nucléaire l’aggrave. Une conséquence évidente : pour atténuer le réchauffement climatique il faut arrêter le nucléaire. Si les émissions de chaleur, dues aux combustions et à la fission nucléaire, sont la cause principale du réchauffement climatique, la seule manière de l’atténuer est de n’utiliser que des énergies renouvelables non émettrices de chaleur : l’énergie nucléaire est disqualifiée. Si le réchauffement climatique est réellement dû aux émissions de gaz à effet de serre, dont la « filière nucléaire » n’est pas exempte, alors il faut aussi arrêter de consommer des énergies non renouvelables. Pour que ce soit économiquement et socialement réalisable dans un temps court, il faut y consacrer toutes les ressources, humaines, techniques et financières qui ne seront donc plus disponibles pour poursuivre dans la voie extrêmement dangereuse et anti économique du nucléaire2. Une des manières d’agir rapidement pour préserver le climat, mais aussi l’économie et tout simplement les chances d’une vie en bonne santé, est donc d’arrêter la production d’électricité nucléaire en la substituant par toutes les autres techniques existantes, beaucoup moins dangereuses, beaucoup moins coûteuses, non émettrices de radioactivité et moins émettrices de chaleur que le nucléaire (par kWh produit). Arrêter la totalité des réacteurs nucléaires en service actuellement dans le monde ne pose pas de problème global d’approvisionnement énergétique. A l’échelle de l’Europe, aux réseaux électriques interconnectés, cela ne pose pas non plus de problème insurmontable : le nucléaire fournit à peine plus de 6% de toutes les énergies consommées (25% des consommations se font sous forme d’électricité et 25% de l’électricité produite l’est par des centrales nucléaires). Arrêter le nucléaire c’est aussi et surtout éviter qu’une nouvelle catastrophe se produise et supprimer une source majeure de conflits armés dévastateurs. Un article détaillé, avec toutes les références, est accessible sur un blog de Médiapart3. 1 En 2020, les centrales nucléaires ont produit 67% de l’électricité qui a fourni 28% de toutes les consommations d’énergie. 2 L’énergie nucléaire, après 70 ans de soutiens massifs des Etats les plus puissants de la planète, ne réussit pas à fournir plus de 2% de toutes les énergies consommées dans le monde. Toutes choses égales par ailleurs, elle permet donc au mieux d’éviter 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Elle est disqualifiée de fait pour l’atténuation du réchauffement climatique. 3 https://blogs.mediapart.fr/francois-vallet/blog/091121/l-energie-nucleaire-rechauffe-la-planete-et-le-climat

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