Il y a 55 ans, 146 jeunes de 14 à 27 ans étaient tués dans le dancing du 5-7.
Bilan terrible dû à la négligence, la lâcheté et l’irresponsabilité des autorités publiques.
Tout accuse les autorités municipales de St Laurent du Pont, et celle de la préfecture de l’Isère d’avoir autorisé l’ouverture de cet établissement sans aucun contrôle.
Pourtant aucune de ces autorités ne seront condamnés à la hauteur du drame.
Bien au contraire élus et Préfet seront promu et grassement rémunéré.
Les trois entrepreneurs de moins 30 ans enfant du pays, bien connu et respecté dans la petite ville de St Laurent du Pont, avaient implanté leur boite de nuit au lieu dit “Les Martins “. Mais vu l’affluence des weekends qui perturbait la quiétude de cette commune, le maire leur demanda de déménager en dehors de la ville.
Les trois jeunes ambitieux se sont implantés sur un terrain appartenant à l’un deux , Gilbert Bas seul survivant des trois, sur la commune de St Laurent du Pont. Ils ont délibéremment démarré les travaux sans attendre aucune autorisation, faisant évoluer le projet au grès de leur idée sans rapport avec le plan du permis de construire déposé préalablement et accepté en novembre 1969.
Ce qui ne m’empêchera pas Pierre Perrin, le maire de St Laurent du Pont d’affirmer le 1 novembre 1970, jour du drame, devant le dancing dévasté, alors que le journaliste de la télévision lui demande :
-« Vous connaissez bien évidemment parfaitement ce dancing qui fonctionne depuis 1 an »
-« Je ne connais pas parfaitement le dancing puisque c’est la 1ère fois que je suis là...les normes de sécurité ont été respectées...il n’y a pas de problème...finalement je ne pense pas que l’administration n’est quelque chose à se reprocher »
A aucun moment une commission de sécurité (dont le maire déclara qu’il ne savait pas qu’il en faisait parti) n’est passé contrôler la conformité des lieux ni pendant les travaux, ni à l’ouverture en mars 1970.
L’enquête révèlera 68 manquements aux règles de la construction comme de la sécurité.
Les experts qualifiant l’établissement « un défi au bon sens ».
Décor en Polyuréthane, gaine de chauffage en bois ...portes de secours vérouillés etc...“Le plafond en polyester, le revêtement en matière plastique des murs et des sièges gonflables, ont brûlés comme de la paille et coupé la retraite des danseurs, les surprenant dans leur course contre la mort“ ( Le Figaro le 2/11/1970)
Le tribunal reprochera au maire Pierre Perrin son inaction et d’avoir toléré l’exploitation du 5-7, il ne sera condammé pour “ manquement à ses obligations de maire “ qu’à de la prison avec sursis, il sera réelu maire en 1973 et sénateur en 1974
Ni le Préfet, ni la préfecture ne seront condamnés.
Comme l’affirme plusieurs décennies après, dans un documentaire, Didier Rolland major des pompiers et spécialiste de l’histoire des réglementation des ERP ;
-« La réglementation était bien complète et stricte depuis 1965. On connaissait toutes les nocivités des matériaux de l’époque, tout était en place, toutes les recommandations sont dans ce règlement de plus 300 pages de 1965. La preuve après le drame, aucune transformation de la législation et de la réglementation n’a été entreprise, il n’y a pas eu de rupture dans la doctrine juridique mais les contrôles et vérification vont exploser ».
En effet tout de suite après ce drame plusieurs centaines d’établissement allaient être fermé en France.
Quand on compare ce drame avec celui du CES Pailleron en 1973 (20 morts dont 16 enfants ou de celui de Furiani en 1992 ( 18 morts et 2357 bléssés), à chaque fois la négligence des autorités publiques et l’appât du gain sont au centre du nombre élévé des décès. Autre point commun les condamnations seront dérisoires compte tenu de la gravité des faits.
Récit du drame du 5-7, par différents témoignages
Vers 1h30 du matin du 1 er novembre 1970, le barman du dancing raconte « J’ai vu une lueur rouge, au dessus du bar, tout de suite j’ai dit il y a le feu, j’ai crié « il y a le feu, il y a le feu » mais la musique de l’orchestre était trop fort seul une vingtaine de personne ont entendu… Je criait, « Il faut sortir » … mais très peu de monde m’ont suivi ». Le journaliste enchaîne « Les victimes ont été asphyxiées, brulées ou piégées dans des tourniquets…
Les trois issues de secours de la discothèque étaient fermées, bloqués par des planches pour éviter les resquilleurs ».
Le tourniquet d’entrée ne fonctionnait pas pour sortir, une cinquantaine de corps calciné sera retrouvé entassé dessus.
Il est exposé derrière le monument aux morts
Un jeune témoigne « J’ai vu un garçon qui est sorti tout en flamme comme une torche, il s’est adossé contre le mur, puis son corps s’est affaissé petit à petit par terre…
On voyait des corps en flamme courir vers la forêt…
On a tiré deux corps nus recouvert de plastique ont les a mis dans une voiture qui est parti pour l’hôpital »
Un autre ajoute « On a tout fait pour en sauver le plus possible. On tirait les bras et les jambes qui étaient là devant nous. Avec nos vestons trempés dans le ruisseau proche du dancing, nous avons étouffé les flammes sur les vêtements de ceux que nous parvenions à dégager. Des automobilistes se sont arrêtés sur le bord de la route et nous ont regardé. Certains se sont amusés et riaient de nous voir faire, refusant de participer au secours. Il n’y en a que deux ou trois qui nous ont aidés. »
Le journaliste poursuit « Les corps de ces pauvres victimes étaient comme des morceaux de bois calciné, entassé les uns sur les autres. Des témoins nous on dit encore sous le choc qu’ils avaient entendu des jeunes crier : “Papa maman on étouffe…on va mourir“. Puis on a plus rien entendu. Plus rien. Le silence ». Un mot revient régulièrement “Psychédélique“ « le décor intérieur est Psychédélique…il y avait beaucoup de plastique » dit le journaliste à plusieurs reprises. Le préfet, le capitaine des pompiers sont interrogés. « Nous sommes arrivés un quart après l’incendie, mais une fois sur les lieux, le toit et toute la bâtisse étaient en feu, il n’y avait plus rien à faire ».
Un témoin affirme, que le groupe de musique venu de Paris “Les Storm “ on joué jusqu’au bout au milieu des flammes, comme sur le Titanic. Le capitaine des pompiers enchaîne « Quand nous avons pu rentrer, le pianiste, qui était le leader du groupe je crois, avait les mains collés à son piano, assis tout calciné ».
Deux ans plus tard Michel Foucault interviendra dans un meeting à Grenoble organisé par le comité Vérité-Justice Rhône-Alpes.
Extrait de son intervention
« Avant de poser la question : Qui a tué ? je crois qu'il faut poser la question : Qui a été tué ?
Qui étaient-ils ceux qui sont morts ce soir de la Toussaint 1970 ?Par exemple, quand la police interroge un témoin qui n'avait pas vingt ans et qui avait assisté au début de l'incendie, qu'est-ce que vous croyez que la police lui demande ?Ce qu'il a vu, entendu ? Non, on lui a demandé si par hasard dans ces dancings on ne vendait pas de la drogue, qu'est-ce qui se passait avec les filles, si c'était pas un bordel.Parce que pour la police, comme malheureusement pour beaucoup de journalistes, parler de la jeunesse, c'est d'abord parler de la drogue, de la délinquance, des vols...On parle des bandes de jeunes, on ne parle pas des bandes qui rackettent les jeunes, qui les volent et qui exposent leurs vies.
Ce jeune, comme il n'a pas de logement, il faut bien qu'il sorte...
Alors, il va sortir, et c'est de nouveau le matraquage : il lui faut 12 ou 15 francs pour entrer dans un dancing, il se commande un jus d'orange, ça vaut 8 ou 10 francs, etc.
Eh bien, moi, je dis que ces garçons-là et ces filles-là, on les exploite et on les vole.
Cet argent qu'on leur prend, il n'est pas perdu pour tout le monde et il n'est pas non plus empoché par n'importe qui : il y a, bien sûr, les impôts du percepteur, mais il y a les impôts des truands, il y a des bandes de racketteurs qui dans tous les dancings de la région, vous le savez bien, prélèvent quelque chose comme de 25 à 30 % de la recette.
Ce genre d'injustice et d'exploitation a maintenant directement partie liée avec les hommes qui sont aujourd'hui au pouvoir.
Quant à l'Administration, dans tout cela, qu'est-ce qu'elle fait ? Elle n'a qu'une chose à faire et elle le fait bien : elle ferme les yeux et laisse faire.
Elle laisse construire, ouvrir et brûler le 5 / 7, elle laisse faire partout et chaque fois que quelqu'un veut faire du profit.
La veille de la Toussaint 1970, tout était en place pour que ce qui est arrivé arrive, et il faudra bien que l'Administration rende des comptes.
Il faudra bien que l'Administration rende compte de tous ces jeunes qui n'étaient ni des voleurs ni des drogués, mais qui ont été brûlés. »(1)
Guy Debord écrira aussi sur le drame de St Laurent du Pont
Extrait :
« On a, bien sûr, relevé la carence des autorités à propos des consignes de sécurité : un peu partout, celles-ci sont bien conçues et minutieusement rédigées, mais les faire respecter serait une tout autre affaire, car effectivement appliquées elles entraveraient plus ou moins gravement la réalisation du profit, c’est-à-dire le but exclusif de l’entreprise, tant sur les lieux de production que dans les diverses usines de distribution ou consommation des loisirs.
Les morts de Saint-Laurent-du-Pont étaient presque exclusivement des jeunes, et en majorité des garçons et des filles de seize à vingt ans. En outre, ils étaient pour la plupart des pauvres, des jeunes travailleurs, dont beaucoup d’enfants de travailleurs immigrés.
La pancarte des parents des victimes manifestant un mois plus tard sur place : « Ils ont payé pour entrer, ils devaient pouvoir sortir » semble une évidence en termes humains ; mais il convient de ne pas oublier qu’elle ne l’est pas du point de vue de l’économie politique, et entre ces deux projets la question est seulement de savoir qui sera le plus fort, voilà tout.
En effet, entrer et payer est la nécessité absolue du système marchand, la seule qu’il veuille et la seule dont il se préoccupe. Entrer sans payer, c’est le mettre à mort.
Se plaire ou non à l’intérieur du guet-apens climatisé, voilà tout ce qui n’a pour lui nulle importance, et pas même de réalité. À Saint-Laurent-du-Pont l’insécurité des gens n’était que le sous-produit peu encombrant, la même monnaie, l’à-côté négligeable de la sécurité de la marchandise.
C’est à cette jeunesse qui n’accepte plus ses conditions d’existence que l’on offrait justement, dans l’Isère, comme salaire de son travail hebdomadaire, sa nourriture, de l’essence et les plaisirs de Saint-Laurent-du-Pont. Que voulaient-ils donc ? Ceux que l’on matraque ailleurs ont brûlé ici.
À l’excellente formule qu’un groupe de jeunes révolutionnaires a énoncée depuis lors – « Nous ne sommes pas contre les vieux, mais contre ce qui les a fait vieillir » -, les résignés pourraient répondre sincèrement, s’ils l’osaient : « Nous ne sommes pas contre les jeunes mais contre ce qui les fait vivre. » Dans ce qui s’est passé à Saint-Laurent-du-Pont, comme depuis dans la photo, affichée sur les murs de Paris, du visage détruit de Richard Deshaies (2) ; on peut lire déjà, évident comme un pavé ou une charge de C.R.S., le climat de la guerre civile. » (3)
Aux XXI siècle avons-nous avancé sur le sujet ? Il me semble que oui !
Si beaucoup de chose sont encore à accomplir dans les poursuites ou dans la rapidité des jugements par exemple ou dans l’augmentation des moyens financiers et humains aux juridictions adéquates, force est de constater que, dans la semaine ou Nicolas Sarkozy cet ex-président de la République passe sa première semaine en prison, et que nombre de ces collègues élus sont, soit passés par cette case, soit ont été condamnés avec bracelet électronique, ou sursis et souvent avec inéligibilité, nous avons franchit quand même un cap, impensable il y a 50 ans.
Depuis prés de 30 ans, les partis et hommes politiques de droite comme gauche ont été pris par la patrouille.
Cette dynamique judiciare est incontestablement une bouteille d’oxygène pour tous les citoyens qui subissent l’air vicié d’un système démocratique qui par ailleurs s’assombrit d’année en année.
Notes
(1) Michel Foucault Dits Ecrits Tome II Texte n°112
(2) Richard Deshaies, Militant de Vive La Révolution, “organisation des Mao-Spontex “
(3) Article de Guy Debord devant figurer dans le n°13 de l’Internationale Situationniste, il n’a jamais été publié. Il apparaîtra dans le volume des Œuvres de G.Debord publié chez Gallimard en 2006
Les sources de cet article sont : Journal Télévisé de l’Ortf du 1 novemebre 1970, Le Figaro, Le DL, RTL, France Inter, documentaires : de Patrice Morel, Le Bal Tragique de Ketty Rios Palma, Le 5-7 Le Bal Tragique du Baby Boom, Public Sénat







































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