Visite au PRÉCARISTANT, pays caché au coeur de l’Education Nationale

Rentrée 2023 à l’Education Nationale (1): Que se passe t-il avec les AED (2) ? Vous connaissez certainement les Atsem (école primaire) les Aesh (Collèges Lycées) mais connaissez-vous les Aed, ? Derrière cet acronyme on peut lire ; Aide assistant d’éducation, les anciens pions…en fait on devrait plutôt dire pionnes puisque la grande majorité de ces emplois sont tenus par des femmes qui plus sont souvent à temps partiel imposé. Tous ces personnels qui sont des médiateurs entre parents/élèves et l’administration sont invisibilisés.

Les assistantes d'éducation (AED) sont des agents non titulaires de l'Education nationale qui, en vertu du décret ministériel du 6 juin 2003, « assurent l'accueil, l'accompagnement éducatif et pédagogique, l'aide à l'utilisation des nouvelles technologies, l'encadrement et la surveillance des collégiens et des lycéens, de jour et de nuit. ». Elles sont les collaboratrices des conseillers principaux d'orientation (CPE). Leur contrat à durée déterminée (CDD niveau smic : 1200€/mois ) d'un an est renouvelable, au bon vouloir des chefs d'établissements scolaires, cinq fois mais ne donne droit ni à une validation des acquis ni à des formations valorisant leur expérience en tant qu’AED. Comme le personnel de soins, elles ont été sur le “pont“ lors de la crise politique sanitaire et ont joué un rôle crucial afin de garantir la mise en place des protocoles sanitaires successifs. Malgré cela un quart des emplois AED (sont-ils considérés comme une profession par les gouvernements successifs ?) est en formation pré-professionnalisante. Elles n’ont pas bénéficié non plus de la revalorisation salariale prévue par le Grenelle de l'éducation de 2020 et restent les seules écartées des primes REP ou REP .

Dans ce contexte c’est peu de dire qu’elles ne sont pas reconnues à la hauteur de leurs missions alors même qu'elles sont le centre névralgique de la vie scolaire dans les collèges et les lycées publics. On assiste régulièrement chaque année à un mouvement sournois de non - renouvellement des contrats. L’inspection académique de Savoie se refusant à nous communiquer les chiffres, nous ne disposons que d’une vue extrêmement partielle de cette réalité. Selon les témoignages individuels ou les communications de syndicats on peut vous en restituer, à la rentrée 2023, qu’une partie infime. Le syndicat Sud Education nous indique que pour l’année 2022,par exemple, 3 AED en Savoie ont entamé un recours devant le Tribunal Administratif. « quand on sait que cette démarche est très contraignante on peut supposer que cela représente le haut de l’iceberg »  nous déclare Elodie déléguée syndicale à Sud Education AED au lycée Monge et qui, après 5 ans d’exercice au sein du Lycée Monge, vient de perdre à la rentrée 2023/2024 son emploi, sans qu’aucune raison valable juridiquement ne lui soit notifiée. Comme la plupart des non-renouvellement de CDD qui le sont d’une façon unilatérale et de manière non justifiée.

Dans un communiqué de presse,  Elodie poursuit « Pendant 5 années, j’ai travaillé au Lycée Gaspard-Monge (lycée général, technologique et professionnel de l’agglomération chambérienne) nous recevons les appels des familles, nous surveillons les espaces communs, nous apportons un soutien pédagogique aux enseignants, et nous veillons au bon climat scolaire. Ces missions sont essentielles dans les établissements scolaires, plus particulièrement dans un établissement comme le lycée Monge qui réunit près des 2000 jeunes d’horizons divers. J’ai appris avec stupeur, en juin, que mon contrat ne serait pas renouvelé pour la rentrée 2023, sans aucun fait matériellement établi : aucune insuffisante professionnelle clairement énoncée, aucune baisse d’effectif annoncée. Cette décision est injuste et arbitraire. Malgré les nombreux témoignages de mon professionnalisme adressé au chef d’établissement (une trentaine d’enseignant.es lui ont écrit en ce sens), ainsi que la pétition qui a recueilli environ 90 signatures, la décision est maintenue. Je dénonce cette injustice ! »

On peut légitimement s’interroger sur le fait qu’un tel turn- over des personnel Aed, des équipes éducatives, la rupture dans le suivi des élèves, le manque de formation des personnels précaires, les pertes de connaissances à chaque départ, vient renforcer la dégradation du service éducatif. Les premières victimes sont évidemment les élèves. Se privant ainsi des savoir-faires spécifiques sur les discriminations, le harcèlement, et le décrochage scolaire, les lycées concernés mettent à mal le suivi éducatif de leurs élèves. On peut légitimement s’interroger sur le fait qu’un tel turn-over du personnel AED, des équipes éducatives, la rupture dans le suivi des élèves, le manque de formation du personnel précaire, les pertes de connaissance à chaque départ, vient renforcer la dégradation du service éducatif. Les premières victimes sont évidemment les élèves. Se privant ainsi des savoir-faire spécifiques sur les discriminations, le harcèlement, et le décrochage scolaire, les lycées concernés mettent à mal le suivi éducatif de leurs élèves. La déléguée syndicale de Sud Education pointe du doigt que toutes « ces situations, qui sont des cas particuliers, illustrent bien les dysfonctionnements dans lesquels l’éducation nationale s’embourbe : précarisation du personnel,  manque d’effectifs, absence de formation, décision arbitraire de la hiérarchie … Notre statut laisse croire que nous serions jetables à souhait, ce qui est faux … l’administration doit argumenter, devant le tribunal administratif, sa décision de ne pas renouveler un contrat par des « faits matériellement établis» pour ma part poursuit-elle « je porterai donc une requête au Tribunal Administratif de Grenoble,(3) comme d’autres collègues savoyardes déjà engagées dans cette procédure. Cette situation est absurde : je n’ai pas envie de me charger d’une lourde procédure, ni d’encombrer les tribunaux, mais c’est pourtant l’unique recours possible. »

Mais ne faudrait-il pas chercher la raison de cette vague de licenciement déguisé, dans la décision que l’ancien ministre de l’Education Nationale, Pap Ndiaye avait pris décret du 11 août 2022 rentrant en vigueur le 1 septembre 2022, stipulant que des assistants d'éducation (AED) après 6 ans d’exercice auprès de l'Éducation nationale, les assistants d'éducation (AED) auront désormais l'opportunité de signer un CDI. Pap Ndiaye ajoutait que « le travail et l’engagement des assistants d’éducation sont désormais sécurisés ».(JDD 11/08/2022) C’était sans compter sur les ruses de la comptabilité financière de cette administration qui veille à ce que la masse salariale ne grossisse pas ...et dégresse même.

Notes (1) Education Nationale c’est 12 millions d’élèves 1.202.909 personnels dont 332.800 personnels administratifs, aides éducatifs etc… pour 58.800 établissements publics et privés. Budget La dépense intérieure d’éducation (DIE) est évaluée à 168,8 milliards d’euros en 2021 La part de la DIE dans le PIB varie en moyenne autour de 7% . La part du second degré, quasiment stable autour de 43,0% de 1980 à 1998, baisse régulièrement depuis, pour atteindre 38,2% en 2021. La part consacrée à l’enseignement supérieur augmente de façon quasiment continue de 15,1% de1980 à 21,5% en 2021. (2) Depuis trois ans le nombre des AED dans l’Académie de Grenoble a baissé 64 postes (2880 postes) La Savoie quant à elle a perdu 15 postes ( 455 postes). Le rectorat nous indique qu’il ne posséde pas le nombre de non renouvellement…ce qui bien évidemment incompréhensible et incroyable ! (3) En 2020 le Tribunal Administratif de Marseille avait condamné Un collège employeur à verser à une ARD la somme de 7 000 euros. La décision du Tribunal Administratif de Marseille est importante à plus d’un titre. Elle motive l’annulation du non-renouvellement pour absence de motifs tirés de l’intérêt du service. La formulation de la décision du TA évoque également le « refus de renouveler le contrat » de l’AED concernée. La conclusion s’impose: la justice administrative considère que le renouvellement d’un contrat tend à devenir implicite et que les employeurs que sont les chefs d’établissements doivent justifier leur choix en cas de non-renouvellement. Les photos sont des archives des mouvements sociaux des AED

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