À Mayotte : E.Macron et Darmanin rêveraient-ils d’une nouvelle bataille d’Alger.
Article du 4 mai 2023
L'opération d'évacuation et de destruction du bidonville de Mayotte Wuambushu “ Reprise“, décrété par Macron /Darmanin avec 2000 policiers et CRS envoyé sur l’île, a été suspendue par le tribunal le mardi 25 avril 2023.
À l'audience ce sont bien les habitants du quartier du bidonville de Talus 2 à Mayotte, par leur témoignages qui ont convaincu la justice de suspendre cette opération aberrante.
Comme l’indique l’avocate, Marjane GHAEM, au micro de France Culture (4 mai 2023 journal de 12H30).
La préfecture a fait appel de cette décision le 4 mai 2023.
D’après cette avocate, 40% de la population vivant à Mayotte serait concerné par ces conditions misérables d’habitation. Ce serait donc près de 160.000 personnes susceptible d’être expulsé de leur habitat par cette opération neo-coloniale.
Aussi les objectifs de l’Etat, de “décasage “, terme odieux, de ces habitants est tout simplement inhumain et irréaliste (seul 1600 places d’hébergement en urgence sont disponibles) .
L’avocate souligne, qu’au moment où nous écrivons ces lignes, des maisons sont tagués avec des chiffres sur les habitations par la police municipale et/ou la gendarmerie pour indiquer qu’elles doivent être démolis, alors qu’aucun document légal n’existe à ce jour.
Soulignons que près de 50% des personnes vivants dans ces quartiers et menacés par cette opération ignoble, sont de nationalité française.
77% de la population est sous le seuil de pauvreté.
Comme le souligne depuis des années le Défenseur des Droits (2013) et que sa présidente actuelle Claire Hédon vient de nouveau de rappeler le 26 avril 2023 ce sont des « atteintes aux droits et libertés fondamentales des personnes »
C’est bien l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui garantit aux personnes sans aucun titre ou justificatif officiel des droits et sécurité quand à leur existence .
Détruire un habitat, même illégal, constituerait une grave atteinte à ces droits « La destruction et l’évacuation des « bangas », rappelle l’institution avec comme seule considération de la nationalité des habitants ou de leur appartenance réelle ou supposée à une origine ou une ethnie ne peut justifier une telle mesure ».
Mais la politique néo-coloniale de la France ne s'applique pas seulement sur la question du logement et de l'immigration mais aussi, comme depuis toujours dans la colonialité, sur le corps des femmes, comme le relève le journal Causette.
Voici ce que pouvait déclarer Olivier Brahic, le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte dans une interview accordée à Mayotte la 1ʳᵉ le 24 mars dernier : « Nous allons mener un projet en lien avec les services de protection maternelle et infantile (PMI), les sages-femmes et le Centre hospitalier de Mayotte (CHM), pour proposer aux jeunes mères une stérilisation, donc une ligature des trompes très concrètement. »
Plan générale de l'Etat Français pour la maîtrise de la natalité à Mayotte,(Tx 4,2 enfant /femme) alors que se préparait l'opération policière Wuambushu.
Le président de la République et son sinistre de l’intérieur, mette en scène sciemment et attise la haine à Mayotte, à des fins politiciens afin de se refaire une santé politique , face aux mouvements sociaux et politiques de contestation de sa personne et de sa politique et pour contrer la montée électorale de l’extrême droite.
Propos et positionnement politiques irresponsables d’un point de vue de la défense des valeurs humaines et démocratiques mais aussi inefficient électoralement puisque cet électorat préférera toujours mieux Marine ou Marion Le Pen ou Eric Zemmour, à sa copie.
Article du 26 avril 2023
C’est peu de dire qu’un drame se prépare à Mayotte.
Suivant sa politique coloniale en bonne et du forme, la France a imposé aux Comores une partition de son territoire (1974) malgré les protestations et le droit international, pour préserver sa position géopolitique (avec Djibouti) dans l’Océan Indien.
De la guerre d’Algérie aux révoltes d’outre mer en passant par les quartiers populaires sur le continent et la répression des mouvements sociaux, l’Etat français a développé un continuum de pratiques policières et militaires meurtrières pour les populations.
Sous la présidence Macron, la volonté d’en découdre avec l‘opposition et la contestation ainsi que de se “refaire une santé“ en proclamant à tout va « l’ordre républicain », sur le dos des populations immigrés ou clandestines aggravent d’une façon exponentielle les violences individuelles, communautaires et policières.
Emmanuel Macron, après la manifestation de St Solines peut affirmer à l’Afp le 30 mars 2023 « mais vous avez des milliers de gens qui étaient simplement venus pour faire la guerre » alors que les manifestants ne portaient aucune arme de guerre, contrairement à la gendarmerie qui a pu utiliser les grenades GM2L, arme de guerre qui déchire les corps, blessant plus de 200 personnes.
L’opération « Wuambushu » lancé par l’Etat Français à Mayotte en est le dernier avatar.
Ces images de blindés et de force de police dans les quartiers d’habitation de Mayotte ne peut que nous rappeler le déploiement en 1957 des parachutistes français dans casbah d’Alger.
Avec comme différence majeure, (entre autres) il est vrai, que le Parti Communiste et le Parti Socialiste (anciennement SFIO ) n'ont pas encore voté les pleins pouvoirs à Macron.
D’après le journal Le Monde (24 avril 2023) la toute nouvelle compagnie républicaine de sécuritaire 8 “nouvelle génération “ envoyé spécialement à Mayotte a tiré déjà pas moins de 650 grenades lacrymogènes, 85 grenades de désencerclement, 60 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) et des tirs à balles réels.
Cette politique « incendiaire » et irresponsable du pouvoir exacerbe les tensions entre les populations et chez les élus au lieu d’apaiser la situation.
« Il faut peut-être en tuer » déclarait (Salime Mdéré Vice président Les Républicains au Conseil départemental de Mayotte le 25 avril 2023, en parlant des délinquants /clandestins.
Le mécanisme du génocide Rwandais a t-il été déjà oublié ?
On ne peut qu’être inquiet de la construction d’un tel récit fictionnel par un pouvoir piromane afin de justifier les interventions policières et miliaires, à venir, toujours plus violentes et meurtrières contre les populations .
Ce discours et ces pratiques s’ancrent toujours et encore dans le passé colonial de la France qui imposent aux populations étrangères, immigrés et des minorités et à ses enfants et sa jeunesse dans les décennies qui ont suivies les luttes de libération des colonies françaises, une ségrégation territoriale et économique, un enfermement dans des camps et une domination policière spécifique et ciblée.
De la Bataille d’Alger au 17 octobre 1961, en passant par les années 1970 et jusqu’à nos jours, de nombreux meurtres “d’arabes ou d’africains“ vont se perpétrer, dont beaucoup, par la police, de 1961-2017.
Ce serait près de 1000 personnes tuées par la police (1) .
Ce fait social est qualifié par certains universitaires “d’arabicide“. (2).
Dans la lignée de la pensée de Frantz Fanon, les associations, les mouvements sociaux et politiques, des banlieues populaires à forte concentration d’immigrés et d’enfants d’origine nord-africaine qui subissent depuis près de 50 ans, le prix du sang, dénoncent la “colonialité“ du pouvoir (3), qui ancrerait les pratiques policières directement dans le passé colonial de la France.
La relégation, la ségrégation et l’apartheid des populations étrangères, immigrées, et des minorités dans des quartiers spécifiques, le traitement particulier et ciblé des enfants et de la jeunesse de ces générations ont amené certains chercheurs à parler de ces quartiers, de “rapport néo-coloniaux“ ou comme des enclaves “endocoloniale“ (Mathieu Rigouste).
Si il existait déjà en 1930 une brigade nord-africaine, (BNA) en métropole, l’expérience de pratiques militaires et policières, appliqués massivement sur des population entières que ce soit au Maroc ou dans l’empire colonial d’Afrique subsaharienne entre les deux guerres, ou après la guerre (39-45) en Indochine, a été d’une part intégré mais surtout synthétisé et élevé au rang de doctrine pendant la guerre d’Algérie .
Ce qui faisait dire à Michel Foucault ;
« Il ne faut jamais oublier que la colonisation, avec ses techniques et ses armes politiques et juridiques, a bien sûr transporté des modèles européens sur d’autres continents, mais qu’elle a eu aussi de nombreux effets de retour sur les mécanismes de pouvoir en Occident, sur les appareils, institutions et techniques de pouvoir.
Il y a eu toute une série de modèles coloniaux qui ont été rapportés en Occident, et qui a fait que l’Occident a pu pratiquer aussi sur lui-même quelque chose comme une colonisation, un colonialisme interne. » (4)
C’est particulièrement vrai, lors de la bataille d’Alger.
En effet l’ensemble de ces savoir-faire (actions psychologique, communication/propagande en direction des médias, renseignement/ infiltration, torture, bombes, assassinats) sera en partie déployé en métropole.
Lors de la bataille d’Alger, le pouvoir Gaulliste, va tester et expérimenter les techniques de contre-insurrection en direction de l’ensemble des quartiers d’une ville, d’une population particulière (tout comme aujourd’hui dans les bidonvilles de Mayotte)
Le Colonel Roger Trinquier, suspecté de collaboration avec les japonais pendant la guerre, deviendra quand même officier du SDECE en Indochine, puis adjoint du général Massu en Algérie.
Il sera le théoricien de cette guerre en direction de la population arabe et musulmane.
Il nommera son opération ; “dispositif de protection urbaine“ (DPU) et son concept de “guerre subversive“ fera école dans le monde entier et particulièrement au USA, où la CIA l’emploiera d’abord au Vietnam, puis, le FBI pour lutter contre les leaders noirs américains qui se battaient pour les droits civiques.
Le colonel Trinquier prendra part au coup d’Etat d’Alger du 13 mai 1958, restant jusqu’à sa mort “Algérie Française“, ce qui ne l’empêchera pas de finir sa carrière à l’état major du commandement de la région de Nice.
C’est bien dans ce contexte de la guerre d’Algérie que va se théoriser (Commissaire Le Mouel) le concept “d’anticriminalité“ dans les quartiers populaires et “arabes“.
En 1965, Pierre Bolotte, (ancien adjoint au cabinet du préfet du Morbihan, sous Vichy) préfet à la Guadeloupe, va de nouveau appliquer ces principes à la population des Antilles . En effet il va diriger la répression des manifestations des 26 et 27 mai 1967 en ordonnant l'ouverture du feu sur les manifestants de la place de la Victoire. La répression dure trois jours où toute personne de couleur sortant dans la rue peut se faire tirer dessus par les forces de l'ordre.
Les bilans vont de 7 morts (bilans officiels) jusqu'à plus de 80 morts (87 selon le secrétaire d’État aux DOM-TOM Georges Lemoine, en 1985, utilisant des sources administratives, dont les Renseignements généraux (RG)
Nommé ensuite premier préfet de Seine St Denis de 1969 à 1974 Pierre Bolotte, expérimentera la première Brigade anti-criminalité (BAC) en 1971 en Seine St Denis, avant qu’elle ne prenne son véritable essor au début des années 1990. Puis de 2017 à 2019 on a pu voir les dégâts considérables (Les mutilés pour l'exemple) qu'ont commis ces brigades dans leur déploiement massive par le pouvoir politique pour réprimer, blesser et mutiler le mouvement des “Gilets Jaunes“ .
Ce rappel historique ajouté au contexte politique que nous vivons, où le pouvoir Macroniste s’extrême-droitise pour soit disant couper l’herbe sous le pied à Marine Le Pen, en ciblant les populations immigrés et/ou clandestines, en France comme à Mayotte ne peut que nous alerter sur le drame qui se prépare.
Aujourd’hui il y a bien un continuum dans la volonté politique d’étende ces pratiques policières : Sonorisation nocturne, vols stationnaire des hélicoptères au dessus des tours et barres d’immeubles, utilisation massive des drones, éclairage des façades, sirènes hurlantes pendant toute la nuit, nasage de manifestant, quadrillage de quartiers entiers, fouille de l’ensemble des personnes d’un territoire donné, qui sont appliquées dans les quartiers populaires en France comme dans les territoires néo-coloniaux d’outre mer.
Les populations issus des immigrations et vivants dans les quartiers populaires en France, comme les habitants des bidonvilles de Mayotte, subissent en plus d’une violence économique et sociale, la mise en place d’un dispositif spécifique et particulier ne pouvant que favoriser et développer une violence policière de la part des équipes d’intervention, pratiques fortement influencées, comme on vient de le montrer par le savoir-faire culturel hérité de l’ordre coloniale.
“Avec « Wuambushu », le ministre de l’intérieur et de l'outre-mer ne s’attaque pas à l’habitat insalubre et à la migration irrégulière : il s’attaque aux pauvres !“ Dénonçait Damien Carême, député européen /Groupe des Verts
Ces dispositifs perdurent à Mayotte, au moment où nous écrivons ces lignes et seront n’en doutons pas exporter après cette épisode comorien, sur le continent dans des quartiers populaires et contre les mouvements populaires de contestation à un degré encore plus élevé.
Notes
(1) Nous avons construit ce chiffre sur la base du chiffre des morts d’octobre 1961 : 300 personnes tuées (version haute) et celle du chiffre de Nicolas Bourgoin depuis 1977 (démographe, docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales et enseignant-chercheur et spécialiste des questions de police et de prison,): 600 personnes tuées; Manque la période de 1961- 1976, nous avons appliqués une moyenne de 4 morts/ an (source : la gendarme rit) ce qui ferait 60 morts pour cette période. Nous arrivons donc à un chiffre de 960 morts ce qui constitue avant tout un ordre grandeur, qui se rapprocherait le plus de la réalité.
En 2017 l’IGPN, (l’inspection générale de la police nationale) a communiqué le bilan des tués et blessés lors d'opérations de police. Une grande première ! En 2018 il n’aurait pas renouvelé l’expérience.
Bilan 14 morts et une centaine de blessés avec plus de huit jours d’incapacité de travail. Le décompte pour la gendarmerie et les polices municipales ne sont pas pris en compte .
https://bourgoinblog.wordpress.com/2019/02/16/la-police-tue-toujours-plus/
Pour le site de presse en ligne Bastamag 2017 a vu la mort de 18 personnes tuées par balles par la police et/ou la gendarmerie, 15 morts suites à des poursuites, 1 par Flasball
Selon le site de presse en ligne Street Press comme l’ONG chrétienne ACAT, qui ne comptent pas les morts causés par les poursuites policières, totalisent quant à eux 47 personnes tuées de 2007-2017 . Aucun fonctionnaire ne fera de prison. https://www.streetpress.com/sujet/1495554039-morts-victimes-police.
Le Collectif vies volées estime qu’une personne est tuée en moyenne tous les vingt jours, donc environ 18 personnes par an. Tout comme l’ACAT elle promeut la campagne « Laisser nous respirer ! » campagne pour l’interdiction des techniques d’immobilisation mortelles.
Le site http://www.urgence-notre-police-assassine.fr/ recense les morts et les blessés de 2005 à 2015, liste non exhaustive.
L’historien Maurice Rajsfus et son Observatoire des libertés publiques : entre 1994 et 2014, l’observatoire a publié un bulletin mensuel sur « les nombreux méfaits d’une police trop souvent hors la loi ».
http://quefaitlapolice.samizdat.net/
Selon le site http://lagendarmerit.free.fr/ de 1972-2012 ce serait 227 personnes morts d’origine maghrébine ou africaines, qui seraient mortes sous les coups de la police.
(2) Mathieu Rigouste “ La Domination policière; une violence industrielle “ La Fabrique 2012, Et aussi “la ségrégation endocoloniale“ dans “la domination policière“ Mathieu Rigouste. La Fabrique 2012
(3) Aníbal Quijano Obregón (1928-2018) sociologue et théoricien politique péruvien. il développa le concept de colonialité du pouvoir. « Race » et colonialité du pouvoir Mouvements 2007/3 (n° 51),
(4) “Il faut défendre la société“ Michel Foucault, Cours collège de France du 4 février 1976
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