Une police des étrangers, une police des noirs (2)
La Tvnet Citoyenne s’est lancée dans une enquête sur la Police comme forces d’ordre de l’Etat, sous forme d’une série d’articles ayant pour titre :
Violences de la police ou violences d’Etat ?
Police l’impossible confiance
Mieux comprendre le fonctionnement de la “planète police“ d’avec son environnement et sa commande politique a été la seule motivation pour tenter de vous proposer un 360° sur ce sujet.
Nous n’avons ni procédé à la recherche des archives, ni réalisé les études qui seront exposées ici. Nous n’avons pas été aux sources du recueil direct des témoignages que vous allez découvrir.
Cette série est le fruit d’une ambition qui a été de réunir, les différents savoirs accumulés par les chercheurs, universitaires (Philosophes, sociologues, politologues) journalistes, experts, mais aussi de très nombreux témoignages de policier et policière dont nous avons pu avoir connaissance, afin de vous proposer un état des lieux, certes non exhaustif, mais assez complet de la police en 2023.
Un peu d’histoire : comment naît la police en France ?
Nous commençons cette série par trois articles purement historique. Le premier article déjà publié a parcouru, l’histoire des pratiques de police du Vème siècle jusqu’au XVIII siècle, nous poursuivons donc cette exploration dans ce deuxième article par une chronologie allant du XVIII siècle jusqu’à la Commune de Paris (1871)
Une Police des étrangers
Pour commencer deux remarques préliminaires .
D’abord notons que cette notion d’étranger a bien été créé par la lente histoire de la constitution de territoires, puis des pays et des nations, instaurant la notion de frontière (Sauf Israël, seul Etat au monde qui n’a pas fixé ses frontières) . Certains nous dirons que nous enfonçons ici des portes ouvertes. Cette évidence qui est un fait incontestable, masque cependant ce qui a été totalement évacué, chassé de notre imaginaire, à savoir, la pratique immémoriale des déplacements humains.
Si la frontière délimite, avec sa politique de désignation, encore aujourd’hui, qui est étranger et qui ne l’est pas, elle veut souvent instituer la stigmatisation voir la menace à la sécurité d’un territoire imaginé, trop souvent, comme homogène ethniquement.
Ors sous la domination de ces concepts d’identités nationales immuables, sous la férule d’infrastructures clôturantes, enfermantes et qui nous imposent le concept d’arrêt, d’enfermement, d’immobilisme, cours toujours la formidable dynamique ancestrale des déplacements humains.
La volonté de stase, (du grec Stasis: “arrêt“) est glorifiée idéologiquement aujourd’hui sous la forme entre autre de dispositifs électroniques, demain génétique, ou autre construction de mur. Elle s’impose comme « une norme de l’être humain » (Nandita Sharma) mais n’a jamais, jamais réussit à empêcher, cette notion consubstantielle à l’être humain (comme la recherche de la justice et de la liberté), le mouvement, le flux, le déplacement, qui construit de tous temps des territoires plurielles, et hétérogènes.
Comme l’indique d’ailleurs, admirablement, l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU de 1948
« Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »
Quel bonheur et quel espoir de savoir que, depuis des centaines de milliers d’années, malgré les gesticulations de roitelet, de monarque, d’empereurs, de dictateur, de présidents, de ministre de l’Intérieur ou de prédicateurs, rien n’a jamais, jamais, pu arrêter cet élan humain, rien ne l’arrêtera jamais.
D’autre part, si nous vivons encore malheureusement sous l’emprise d’un discours historique nationaliste dominant, qui nous impose toujours, l’idée d’une appartenance ethnique et nationale “pure“, construit sous Clovis, ou encore sous Napoléon, les historiens qui ont labouré l’historiographie locale nous indique, tous qu’au XIX siècle par exemple, 70% de la population vivait à la campagne ce qui constituait autant de petits pays, où la quasi majorité des habitants paysans vivaient en autarcie ne maîtrisant pas la culture, ni la langue française (Gérard Noiriel) .
Rappelons que jusqu’en 1880 l’exode rural est faible. A la fin du second Empire, une enquête officielle dénombre 8300 communes (soit 1/4) où la population ne parle pas français et s’exprime dans des langages locaux. Dans les Pyrénées Orientales en 1863, la moitié des enfants ne parlent pas le français. Douze ans après cette première enquête la vérité apparait au grand jour, au grand dam des inspecteurs « La langue catalane est le seul idiome qui soit en usage dans tout le Roussillon …les enfants lisent le français comme des perroquets » (Eugene Weber, La fin des terroirs). En 1864 dans le Cantal sur les 1124 conscrits seuls 529 étaient francophones « Le Français de Paris est encore un langue étrangère » (Gérard Noiriel) .
Ainsi afin de calmer les ardeurs nationalistes, la réalité était que “l’étranger“ était bien jusqu’à la guerre de 1914-1918, l’habitant principal de son propre pays.
C’est pour cette raison idéologique et arbitraire qu’une filiation existe entre l’étranger, la frontière, et la police. L’étranger, comme nous le verrons tout le long de cette étude, sera une des grandes catégories de la surveillance et du contrôle de la politique de police.
Ce qui faisait déjà dire à Diderot dans une lettre à Catherine II
« Un étranger arrive-t-il dans la capitale, en moins de vingt-quatre heures on pourra vous dire, rue Neuve-Saint-Augustin, qui il est, comment il s’appelle, d’où il vient, pourquoi il vient, où il demeurera, avec qui il est en correspondance, avec qui il vit…. ».
Une Police des noirs
Depuis 1315 le régime politique de la monarchie, maintenait une certaine tolérance vis à vis de la présence des étrangers et des hommes de couleur « Nul ne peut être esclave sur le sol de France » ou encore « Le sol de la France affranchit l’esclave qui le touche ».
On estime au XVIII siècle, grâce au travail de Pierre H Boulle (Race et esclavage dans la France de l’Ancien régime .Perrin 2007) autour de 5000 à 10.000 personnes noirs ou métis, esclaves ou anciens esclaves qui vivent en France dans une écrasante majorité au service de l’aristocratie parisienne. En majorité ce sont des hommes, qui sont domestiques, pages, “ouvre-porte“, bouffons, mais peuvent être aussi des serviteurs qualifiés comme coiffeurs ou cuisiniers. Mais comme l’indique l’article de Miranda Spieler, (L’enlèvement des esclaves à Paris dans Colonisations notre histoire), les documents de police indiquent une autre réalité.
« Paris est un lieu particulièrement dangereux pour les esclaves à cause de la liberté que la ville semble leur promettre et qu’elle peut violemment leur refuser » En effet par lettre de cachet demandé au roi, certains aristocrate endetté, font arrêter, déporter leurs esclave afin de les revendre.
La monarchie de Louis XVI, l’année même de la déclaration de l’indépendance des Etats-Unis, décrète :
-L’interdiction de l’entrée des noirs dans le pays et l’interdiction du mariage des noirs et des blancs. Ces mesures s’étendaient aussi à l’ensemble des gens de couleurs, “mulâtres “ ou “ métis“
C’est ainsi qu’en 1771 par cette déclaration, la royauté instaure dans tous les ports français de Bordeaux, de Nantes, du Havre, de Brest, de Marseille etc…une “police des noirs“ .Ce décret stipule qu’à l’arrivée de tout colon d’Amérique venant avec ses esclaves noirs, ceux-ci seraient enfermés dans un “dépôt“, jusqu’à ce que les colons reprennent le bateau. Pour contourner le droit français et les refus que le Parlement de Paris avaient déjà émis en 1716 et 1738, vis à vis de textes similaires, la royauté ne faisait plus allusion au statut d’esclave, mais à la couleur de peau.
Comme l’indique Shandiva Banerjee dans son article (1)
« En interdisant en 1777 le territoire à toute personne réputée non-blanche, la déclaration pour la police des noirs participe donc à importer en métropole des distinctions de couleur jusque-là peu pertinentes dans la hiérarchie sociale du royaume. »
Certains historiens ont évoqué ainsi une première pierre fondatrice dans la « racialisation » de la fonction policière et du régime ( Cécile Vidal) . Ces mesures s’inscrivaient, comme on vient de le voir dans le prolongement des dispositifs de contrôle, de surveillance et de gestion de certaines catégories de population : classes populaires, vagabonds, déserteurs, pestiférés etc…Ainsi avec les “contestataires “ ou opposants“ au pouvoir, ces catégories constitueront l’essentiel des cibles d’une politique de police.
L’enjeu était aussi éminemment politique puisque, la démographie des esclaves ne cessant d’augmenter, elle représentait à la fin du XVIII ème siècle près de 90% de la population des îles. La peur montait parmi les colons et les gouverneurs qu’une révolte massive advienne.
Aussi la royauté craignait que le foisonnement des idées dans la société parisienne et intellectuelle, influence les esclaves séjournant en métropole. Les gouverneurs Maxime de Bompar et Charles Martin Hurson (îles du Vent) en étaient pleinement conscient quand ils indiquaient dès 1754
« Pour la colonie, les nègres qui reviennent de France sont insolents par la familiarité qu’ils y ont contracté avec les blancs, et y ont acquis des connaissances dont ils peuvent faire un très mauvais usage, de façon qu’il est vrai de dire que le mieux serait qu’il n’y ussent jamais été, ou qu’ils ne retournassent plus dans les colonies ».
Arrêtons-nous ici, sur l’ironie de la situation. En effet cette arrivée massive de colons accompagnés de leurs esclaves avait pour objet une vaste campagne de sensibilisation pour contrer le débat sur l’abolition de l’esclavage, qui se faisait de plus en plus pressant en France et en Europe. Ces voyages sur le continent et jusqu’à Paris devaient démontrer, au sein même des salons parisiens, combien ce “personnel“ (la plus part “nègre de maison“) était bien traité, considéré et éduqué. Malheureusement pour ces derniers, ils allaient expérimentés à leur dépends, dans les ports de France, les premiers centres de rétention administrative, qui, 250 ans après, fleurissent toujours en France.
La Révolution Française mettra un terme à cette loi, mais, le rétablissement de l’esclavage par Napoléon en 1802 sera suivi des mêmes mesures que celles de 1777 (arrêté du 2 juillet 1802) qui interdiront aux gens de couleur, l’accès au territoire continental.
Profitons de cette arrivée de colons et de leurs esclaves en métropole, pour dire un mot sur la police dans les colonies.
Le colonialisme tout le long de ces 400 années d’existence s’est bâti sur une violence et une barbarie racialisée extrême, contre les peuples qu’il a génocidé, dominé, puis exploité. C’est bien d’abord sous la forme militaire (des compagnies coloniales ou de corps issus des armées régulières) que les pays et les peuples des continents américains, africains et asiatiques, ont été envahi subissant la férule d’un système politique et économique d’exploitation le plus bestial : l’esclavagisme.
Jusqu’au XIX siècle, il sera caractéristique, selon Thomas Piketty, (2), de l’univers propriétariste, qui se développait et qui instaura une quasi-sacralisation de la propriété privée. Entre 1794 et 1840 cette France des propriétaires coloniaux était le pays qui exploitait le plus grand nombre d’esclaves ( 700.000 Antilles-Océan Indien). Le régime était basé sur un dispositif d’extraction de la plus value la plus colossale de l’histoire économique. Rappelons que le rapport d’appropriation et donc d’inégalité (revenu et patrimoine) était quasi totale, puisque moins de 8% de la population blanche (et quelques métis) possédait 82% des richesses produites.
Les travaux sur les budgets coloniaux des économistes Denis Cogneau, Yannick Dupraz et Elise Huillery ont montré que les dépenses allaient presque exclusivement pour le bénéfice de la population blanche, notamment pour payer les salaires du gouverneur et de son train de vie, de la haute administration de la colonie et surtout des forces de police. (La rémunération des fonctionnaires était de 10 fois supérieure à leurs collègue de métropole) .
Ces ressources étant avant tout basées sur une économie extractiviste, une grosse partie s’en allait en métropole. Les profits annuels réalisés grâce aux îles esclavagistes (Caraïbes) étaient aux XVIII ème entre 5% et 7% du revenu national du pays colonisateur. A la veille de la guerre de 1914 les actifs étrangers franco-Britanniques, c’est à dire les placements étrangers de ces propriétaires (qui entre temps avait été indemnisée grassement en “préjudice de la perte de leurs esclaves“) équivalaient à 130% ou 190% du revenu national du pays, situation jamais plus atteinte depuis. (Thomas Piketty). Rappelons que cette économie propriétariste, basée sur ces actifs s’est prolongée presqu’à l’identique, sans l’esclavage, jusqu’en 1948.
L’esclavage a joué un rôle essentiel dans la formation du système capitaliste. Karl Marx le qualifiait de “piédestal“ dont « l’esclavage voilé du travailleur salarié (européen) avait besoin ». Les services de police furent indispensables, comme force d’ordre des administrations coloniales et pour assurer le bon déroulement de cette exploitation économique et politique et surtout pour garantir la sécurité des colons.
Des chercheurs réunis en journées d’étude notaient combien cette histoire de la police coloniale constituait encore une zone d’ombre, un secteur mal connu de l’État colonial.
« La police a joué un rôle crucial dans l’histoire des empires coloniaux, en assurant le contrôle de la métropole et des colons sur les sociétés locales, en faisant respecter l’ordre colonial et en assurant la diffusion des normes des autorités impériales…il apparaît nécessaire de réévaluer le poids des expériences coloniales dans l’histoire longue des polices nationales et dans celle des modèles d’action étatique et de gestion des populations. » (4)
Pourtant le début de la colonisation avait peu considéré la nécessité de constituer une police, déjà Colbert en 1667, déplorait de ce qu’on se soit « fort peu soucié jusqu’ici de la police et de la vie civile en Nouvelle-France envers les Algonkins et les Hurons » considérant cette « longue négligence » comme une erreur à laquelle il fallait rapidement remédier. Ce qui fût fait, avec à l’appui un règlement exemplaire : Le code Noir
Comme le souligne l’historien Emmanuel Blanchard
« Les forces de l’ordre ont joué un rôle important surtout à compter du XIXe siècle, elles ont largement contribué à l’identification des populations. Jusqu’aux dernières années d’une domination coloniale qui ne disait plus son nom, elles ont permis de dire qui était « indigène » et qui ne l’était pas. » de ce fait « en Algérie comme dans l’ensemble des espaces colonisés, la police doit être envisagée comme un simple élément d’un répertoire répressif et d’une panoplie punitive dont une partie, de par son exceptionnalité, contribuait à définir l’indigénat ». (1830 Code de l’indigénat ).
Dans son ouvrage “Polices d’Empires du XVIII au XIX siècle“ l’historien montre bien, cependant, que les forces de police étaient loin d’incarner une souveraineté politique « Les pouvoirs de police étaient en effet indissociables de prérogatives économiques et fiscales. »
Elles devaient donc composer en terme de “relation-délégation“ avec des milices privées (ex : Les Slaves Patrols américains étaient des milices blanches, bras armé du système esclavagiste) et autres forces armées mises en place par les propriétaires coloniaux, afin de lever les impôts et punir les populations (“Travail -Amendes“) .
Soulignons que des polices privées, ayant fait l’objet d’une habilitation politique leur donnant des prérogatives dérogatoires et spéciales pouvaient exercer leur force d’ordre dans un périmètre donné, comme ce fût le cas avec la police patronale des mines qui exerça en Pennsylvanie de 1866-1931(D.Monjardet)
Les forces de l’ordre participaient donc directement à la mise au travail et à la « mise en valeur » économique exigées par le projet colonial.
La police des colonies doit ainsi se penser avec le système pénal spécifique, qui applique : travail forcé, privation de libertés publiques, internement administratif, amendes collectives, etc …
Comme nous le verrons dans les articles suivants, cette politique de police utilisée dans les colonies servira très souvent plus tard, comme modèle, sur le continent.
La Police pendant la Révolution Française (1789-1799)
Quadrillage des quartiers et réseau de renseignement
À Paris, le lieutenant-général de police démissionne le 14 juillet 1789. Le 25 juillet, un comité provisoire de police, sûreté et tranquillité, l'un des tout premier comité est créé. Le rôle du lieutenant de police est alors assuré par le maire. Des lois d'août et septembre 1791 officialisent cette situation de fait et les villes de province se dotent de systèmes analogues.
La Révolution de 1789 voit la création à Paris de 48 sections armées, commandés par un commissaire, un réseau redoutable d’observateur « indicateurs », qui allait faire la chasse aux nobles, aux prêtres, mais aussi à tous les “suspects“, fut mis en place, pour renseigner et informer.. De 1790 à 1794, les Parisiens choisissent leurs commissaires de police, remplaçant les policiers professionnels de l’Ancien Régime par des citoyens élus. À l’automne 1792, les commissaires de police sont désignés au suffrage universel par les citoyens des sections.
« Les commissaires de police sont porteurs d’une ambiguïté fondamentale. Nommés à l’issue d’un mouvement insurrectionnel, quand ils n’y ont pas parfois directement contribué, ils sont élus pour maintenir l’ordre public et « contenir » les débordements populaires comme la discorde civile dans leur section. » (Vincent Denis, Les commissaires de police parisiens dans les émeutes de février 1793).
L’historien pose la question cruciale et paradoxale de ces périodes troublées ; Comment maintenir l’ordre au cœur d’une révolution ? Une fois abattu le « despotisme policier » de l’Ancien Régime, que signifie « être policier » et « faire la police » dans le Paris de la décennie révolutionnaire ?
Réflexions essentielles qui pourraient alimenter un débat, aujourd’hui, inexistant en France, pour envisager une autre politique de police ou rêvons un peu, un projet alternatif.
À ce moment on comptait donc : 48 commissaires, 20 inspecteurs et autour de 3 000 espions, plus d’innombrables patrouilles de garde et de soldat.
La police est exercée par le département de police de la commune provisoire, assisté par une nouvelle force publique, la garde nationale composée de citoyens et d'anciennes unités chargées du maintien de l’ordre.
Dans chacun des soixante districts qui se partagent la ville, l'ordre est assuré par un comité de citoyens et les compagnies de la garde nationale.
Si le corps des commissaires devient petit à petit une structure corporatiste, stable et prestigieuse, celui des lieutenants traîne toujours les réputations d’illégalité, de brutalité, de corruption. Le procès mené sous la Régence (1715-1723), qui avait révélé les exactions de certains et la collusion avec la bande de Cartouche, célèbre bandit, résonnait encore dans les esprits. Cependant les efforts de la Lieutenance Générale de Police, dans d’une part, les sanctions et d’autre part dans le recrutement (militaire) va refonder entièrement ce corps à partir de 1740.
« Il vont dès lors devenir des propriétaires d’offices dont la valeur ne cesse de grimper, bénéficiant de revenus confortables, les inspecteurs de police de la fin du siècle peuvent collaborer avec les commissaires à respect égal. Au cœur de la lieutenance, le bureau de Sûreté qui lutte surtout contre le vol, par le renseignement et les recherches de terrain, réunit l’élite de ces policiers, qui expérimentent de nouvelles techniques d’enquête. » (5)
Un comité des recherches fut constitué pour prévenir les soulèvements et émeutes, il se transforma en Cour de Police. L’ensemble de ces structures, furent placées sous les ordres de « La Commune Insurrectionnelle ».
Le 8 octobre 1789 furent instaurés un comité et un tribunal de Police.
Enfin est posé dés 1789 un acte unique concernant le sujet de la police, puisqu’il est stipulé dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, un article encadrant les mission de police.
“ La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » Article 12
Dans l’exercice d’une recherche de définition politique, autant le dire tout net nous n’avons jamais fait mieux depuis. Nombre de sociologue, de philosophe et de politologues ont salué cet effort théorique qui ne peut que nous servir afin de relancer la réflexion et le débat autour de la constitution d’une politique de police, de l’organisation d’une force de police en régime démocratique. Ecoutons à ce propos le questionnement d’un des sociologue reconnu de la police, Fabien Jobard :
« Que la force ne soit appropriée par quiconque à son profit pose les conditions nécessaires à l’équité des moyens violents de pacification des conflits, qu’on peut tenir pour principe premier d’une police en démocratie. Est-ce à dire que la police, c’est-à-dire la force, sera démocratique ? Que signifie « à l’avantage de tous », lorsque la police consiste en une relation de force entre des parties opposées ? La Déclaration ne fait-elle pas le pari préalable d’une société déjà unie, alors que précisément la police est toujours appelée à trancher un conflit, ce qui revient, dans le cours de la situation, au moyen de ses éléments d’appréciation, à disposer du pouvoir souverain de décider de l’emploi de la force ? C’est au creux de cette décision que la démocratie peut se concilier avec la police, ou s’en tenir définitivement à l’écart. » (Démocratie et force publique dans Mouvements 2001/5 (no18)
Pour notre part, l’entreprise un peu folle que nous menons, d’établir un 360° degré sur cette politique et cette institution est motivé par cette ambition.
Rappelons que la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, est intégrée dans le préambule de la constitution de 1958 et a donc valeur constitutionnelle.
Faisons tous en sorte que cette définition puisse enfin s’appliquer pleinement de nos jours.
En 1791 la Maréchaussée devient la Gendarmerie, qualifiée par exemple dans le cahier de doléance de la ville d’Etampes comme étant « le corps le plus utile de la nation ».
Comme depuis sa création la gendarmerie, qui se sédentarisera au XVIII ème siècle, est le corps de police qui se rapproche le plus près d’une police communautaire à l’anglaise (R.Peel), puisqu’elle a pour mission, hors période de crise, d’établir un rapport plus “doux“ plus de “service“ avec la population des cantons ruraux.
« La surveillance générale est le cadre privilégié de la relation du gendarme avec la population. Elle permet à ce dernier de prendre contact, de dialoguer, de connaître les habitants qu’il a pour mission de protéger, d’assister, de renseigner » (6)
La même année le député de la constituante Rabaut Saint-Etienne caractérisait, sans ambiguïté, les rapports qui devaient exister entre la police et le politique
« La force publique ne doit pas se mouvoir elle-même. Les exécuteurs de la force publique ne doivent même pas délibérer sur les ordres qu’ils reçoivent. Délibérer, hésiter, refuser sont des crimes. Obéir voilà dans un seul mot tous leurs devoirs. Instrument aveugle et purement passif, la force publique n’a ni âme, ni pensée. C’est une arme qui reste suspendue au temps de la liberté jusqu’à un moment où la société qui l’a créée en demande l’usage » (7)
Ce qui va dans le sens des partisans de la thèse dominante de la police, comme instrument du pouvoir. Sans oublier les autres fonctions innombrables des pratiques et des missions de police, comme on a pu, déjà, le voir tout le long du moyen âge, à savoir, gardien: du respect des règlements de l’environnement, de la protection des consommateurs, en contrôlant les produits, et pour les commissaires devenant aussi des hommes rédigeants les comptes rendus des comités, les “instituteurs de la république “ (Vincent Denis)
L’Assemblée prit des mesures pour identifier et compter les étrangers à Paris (Décret du 21-23 mars 1793 . D’autres décrets suivirent l’année d’après en mai et en septembre pour constater les identités des étrangers, les localiser et chasser les indésirables.
En 1793 le nombre de textes est multiplié par trois et la condition des étrangers se détériore. Cette inflation législative et ce durcissement sont le produit d’un mélange de peur et de raison. Le pays est alors soumis à une “mise en sûreté“ car il est un pays assiégé. Il est le lieu des alarmes, des dangers en tout genres, développant une suspicion généralisée.
On perfectionne et on centralise, donc, de plus en plus les procédures de surveillance. Cette seconde période marque un tournant caractérisé par un paradoxe : la police des étrangers est à la fois plus répressive et plus préventive. D’abord tenu de faire une déclaration dans la commune où ils se trouvaient, sous peine d’expulsion immédiate et de dix ans de fers pour les ressortissants des pays en guerre avec la France (Décret du 21-23 mars 1793) , les étrangers furent ensuite systématiquement arrêtés, traités comme suspects et condamnés à mort lorsqu’ils étaient convaincus d’espionnage ou de conspiration. Ceux qui les logeaient clandestinement risquaient désormais les fers.
« Le gouvernement révolutionnaire a donc incontestablement durci et même radicalisé la police des étrangers. Mais les mesures qui furent prises à leur encontre ne furent pas plus sévères que celles qui frappaient les émigrés, les réfractaires, les déserteurs et tous les ennemis du régime. Par ailleurs, le mot même d’étranger restait encore ambigu. Il désignait, bien entendu, le ressortissant d’une autre puissance mais aussi, dans le langage commun, le non-résident, quelle que soit sa nationalité. S’il eut incontestablement la main plus lourde pour les étrangers, le gouvernement révolutionnaire essaya en même temps de les traiter de façon moins collective et plus individuelle, de les discriminer et d’opérer une catégorisation. » (Michel Pertué)
Il faut souligner ici, même si nous développerons ce point dans les articles sur l’Etat, que la révolution française a été un moment extraordinaire de réflexion sur la nature et la vocation de la police (comme, bien entendu, sur de multiples autres points politiques).
Nous nous devons de citer une de ces réflexions qui mériterait aujourd’hui toute sa place dans la médiocrité du débat public ou plutôt l’absence total de débat démocratique sur ce sujet .
« Le législateur ne peut établir deux modes de sociétés opposées et contradictoires. Il ne peut pas dire : vous n’obéirez qu’à la loi, vous ne devrez de compte qu’à la loi, vous ne serez puni que par la loi, enfin la loi seule existera pour vous protéger, vous conduire, vous éclairer ; et, cependant dire : On pourra préjuger le voeu de la loi, devancer son action, la modifier, faire plus ou moins qu’elle vous surveille par quelque chose qui n’est pas elle, vous entoure de quelque chose qui n’est pas elle et qui peut, par conséquent, détruire ou rendre illusoire votre droit à la protection que vous attendez d’elle » (7)
Les législateurs veulent une police forte pour remédier aux troubles révolutionnaires persistants qui ne peuvent que déstabiliser un régime politique nouveau et fragile. L’installation de commissaires de police dans toutes les villes de plus de 5.000 habitants en septembre 1796, n’empêche pas la criminalité de galoper, ni les coups d'Etat d’apparaître. Les ministres de la police générale se succèdent (neuf en trois ans et demi) jusqu'à la nomination de Fouché, ancien député de la Convention, en juillet 1799. Après le coup d'état du 18 brumaire (9 novembre 1799) qu’il a favorisé, il va donner une impulsion nouvelle à l'institution policière.
La révolution va constituer la police comme essentiellement municipale (Lois des 4 août et 14 décembre 1789). Les pouvoirs municipaux sont chargés « de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté dans les rues, lieux et édifices publics ».
Cette révolution est liée à deux principes de droit public :
1 - L’élection des responsables locaux.
2 - La reconnaissance de la commune comme « association naturelle et privée ».
La police relève dès lors des pouvoirs propres des communes et non de l’administration générale.
La révolution, avec la reconnaissance de la séparation des autorités administratives et des autorités judiciaires, va poser aussi des principes structurants au sein de la police en distinguant au sein de l’activité de la police la fonction administrative et la fonction judiciaire.
Dans le “Code des délits et des peines “ (25 octobre 1795), il est bien précisé que
« la police administrative a pour objet le maintien habituel de l’ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l’administration générale, elle tend à prévenir les délits. La police judiciaire recherche les délits en rassemblant les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux …La police judiciaire recherche les délits et les crimes…en rassemble les preuves et en livre les auteurs aux tribunaux » (9) .
Cette distinction et cette définition n’ont guère changé en 230 ans . (voir l’article L’organisation et les fonctions de la police).Toutefois, cette naissance textuelle de la police judiciaire ne s'accompagne encore d'aucune concrétisation dans les faits.
Les périodes du Directoire, du Consulat et de l'Empire vont tenter de re-centraliser la police dans les mains de l’exécutif tout en maintenant l’existence d’une police locale. Sous l’Empire, une police politique sera encore plus développée.
Notons que ces actions importantes sont largement liée historiquement aux territoires où, anciennement, les pratiques de l’inquisition étaient les plus prégnantes. (D.H Bayley-1975).(10) .
Le Directoire (1795-1799) crée le ministère de la police générale (la loi du 2 janvier 1796) dont le but est de lutter contre l'insécurité généralisée. à la tête de laquelle est nommé l’incontournable, Joseph Fouché (1759-1820). Il avait été préfet des études chez les Oratoriens à Nantes et va exercer et servir sans scrupule nombre de régime. La police, entre ses mains, (il exercera de 1796 à 1818) aura une dimension politique forte et sera une arme redoutable.
Il aura à son actif, entre autres, le massacre de Lyon en novembre 1794 et récoltera le surnom de « mitrailleur de Lyon » pour avoir substitué à la guillotine, jugée trop lente, l'exécution de masse des habitants jugés suspects par la mitraille (des canons tiraient sur des groupes de plusieurs dizaines de condamnés) 1683 Lyonnais furent ainsi tués.
Il recrutera des militaires en rupture de ban, des brigands et d’ancien bagnard (Vidocq) pour muscler sa police. Il pouvait dire
« La force de la police, c’est qu’on ignore ses faiblesses ».
La mise en place d’indicateurs rémunérés, “les mouches“ (d’où découlera “mouchard“) et la pratique du " cabinet noir " entraînent un afflux très important de renseignements. Les fichiers font leur apparition. Un bulletin quotidien est rédigé à l'attention de l’empereur (procédure toujours en vigueur aujourd’hui)
Dans le même temps, l’apparition de la notion « d’administration publique » et « d’État de droit » va concurrencer la notion de police comme acception “d’ordre public“. La révolution française, va amorcer un changement qui sera dorénavant constant, vers la centralisation, l’institutionnalisation de la Police. Elle définira la notion de police plus précisément, restreignant son périmètre d’intervention. La notion d’ordre public sera reléguée au second plan, étant réduit, à une fonction publique plus particulière autour de la notion de « sécurité-maintien de l’ordre ». Elle clarifiera ces relations avec la justice, la police devenant l'auxiliaire de celle-ci, tout en étant reconnue comme un domaine d'action particulier de l'État.
A la fin du XVIII siècle « La pratique policière relève de la prophylaxie sociale, la bonne police étant d’abord et avant tout garante de la prospérité et de la sécurité des peuples. C’est dans cette rigueur croissante, dans cette attention aux procédures, que se justifie aussi l’excellence de cette police parisienne » (8)
C’est bien en prenant comme cible les pauvres, les nomades, les mendiants, les contestataires, les opposants, les “hérétiques, et les étrangers que s’est véritablement exercée la fonction policière et a permis, dans un premier temps, d’accumuler une grande expérience et des savoirs faire considérable dans la surveillance et le contrôle des territoires et de leurs habitants.
La Police sous l’Empire (1789-1815)
Dès sa prise de pouvoir, Bonaparte va s’attacher, comme on le sait, à réformer l’Etat dans tous les domaines, l’organisation de la police ne sera pas oubliée.
Le 17 février 1800, un Préfet de Paris est créé, la puissance de la préfecture de police, sera de plus en plus renforcée. Le préfet de police a en charge la police criminelle de droit commun, la police administrative et la police de renseignement. Son principal objectif est d'étouffer toute velléité de rébellion contre le pouvoir central.
En France dans toutes les villes de plus de 5.000 habitants, un commissaire de police est nommé par le gouvernement et placé sous l'autorité du préfet ou du sous-préfet. Au delà de 10.000 habitants, un commissaire de police supplémentaire est affecté par tranche de 10.000. Au delà de 100.000 habitants et dans quelques villes stratégiques n'atteignant pas ce seuil, un commissaire général est désigné.
Dans la France rurale, où vivent 80% des français, les pouvoirs de police (villes de moins de 5 000 habitants), sont exercés par la gendarmerie nationale et les gardes-champêtres.
Tout le long du XIXème siècle, cette dualité va persister entre police locale et police d’État, reflet entre autre d’une bataille politique entre élus locaux et Etat central dans un combat républicain et libéral contre l’autoritarisme centralisé.
En 1811, des directeurs généraux sont nommés au-dessus des commissaires généraux. Des inspecteurs en civils sont recrutés rapidement surnommés les " en-bourgeois ", dont l'inspecteur Javert, décrit par Victor Hugo dans Les misérables, est l'archétype.
Vidocq, truand policier hors norme ?
On ne peut pas évoquer la police de cette époque sans s’attarder un instant sur un parcours prodigieux, au carrefour d’une intelligence hors pair et d’un professionnalisme sans faille qui lui valu d’atteindre jusqu’à une vie romanesque, et excusez du peu, le statut d’un des plus grands personnages de la littérature mondiale .
En effet chez Victor Hugo, il devint à la fois Jean Valjean et l’inspecteur Javert (Les Misérables) qui ont chacun beaucoup de traits en commun. Chez Balzac il devint Vautrin (Père Goriot, Illusions Perdus, Splendeurs et Misères des Courtisanes, le Député d’Arcis). Sans oublier Le Chevalier Auguste Dupin (Double assassinat dans la rue Morgue 1841) où Edgar Allan Poe met en scène le premier détective privé de la littérature française, soit 13 ans après la publication des mémoires du “plus grand flic de France“. Fortement impressionné par la vie trépidante du bagnard repenti, le nouvelliste américain a choisi de revisiter la dernière partie de sa vie. Franc succès, l’histoire de la rue Morgue (traduite de l’anglais par Charles Baudelaire en personne !) a été adaptée à plusieurs reprises au cinéma et en bande-dessinée. Le Rodolphe de Gerolstein mis en scène par Eugène Sue, dans “Les Mystères de Paris“, où l’on suit un prince rôdant incognito dans les rues de Paris pour défendre la veuve et l’orphelin, fait penser sans aucun doute à Vidocq. Dans le roman, le personnage principal est secondé dans sa tâche par le Chourineur, un ouvrier violent à qui Rodolphe ouvre les yeux sur la justice et la bonté, tout comme le faisait Vidocq avec les criminels qu’il essayait de transformer en indicateurs. Enfin signalons le policier Jackal dans “Les Mohicans de Paris“ d’Alexandre Dumas, Père.
De son vrai nom Eugène François Vidocq (1775-1857), ce fils de boulanger né en juillet 1775 à Arras fût successivement, délinquant, militaire, bagnard, forçat évadé maintes fois, devenu industriel puis indicateur, il devint à plusieurs reprises entre 1811 et 1832 le redoutable “ chef de la sûreté parisienne“ service de la Préfecture de Police de Paris. Il revendiqua plus de 16.000 arrestations, ce qui ferait pâlir Nicolas Sarkozy, père de la “politique du chiffre“.
Après sa démission il va être le premier a créer une “société privée de sécurité“ officine de renseignement privée de 1827à 1854 le “ bureau de renseignement dans l’intérêt du commerce“.Celle-ci va connaître un succès phénoménal avec 8000 clients.
Même Michel Foucault s’est intéressé à lui en écrivant à propos du mythe qui entoure Vidocq, qu’il « ne tient pas au fait que, pour la première fois dans l’histoire, un ancien bagnard, racheté ou acheté, soit devenu un chef de police; mais plutôt au fait qu’en lui, la délinquance a pris visiblement son statut d’objet et d’instrument pour un appareil de police qui travaille contre elle et avec elle » (11)
La police, tout le long de ce début du XIX siècle, s’adapte aux bouleversements de la capitale où l’effervescence sociale et les menées révolutionnaires rythment son développement. De 1831à 1846 l’accroissement démographique sera de plus de 280.000 habitants pour une population totale de 750.000 habitants. L’effectif de police est alors de 54 commissaires, 25 officiers de pais, 350 sergents de ville, 181 inspecteurs, 510 agents techniques, 2900 gardes municipaux, et 800 sapeurs-pompiers (Jean Tulard)
Les missions de la police, loin de se réduire à la traque des criminels et des conspirateurs, s’étendent à des problèmes ; de voirie, de surveillance des librairies et des imprimeries, des théâtres, des lieux de cultes, de l’hygiène publique : De nouveau la police tend vers une administration de la ville. Un corps, une bureaucratie, peu à peu s’installe et va se professionnaliser.
En 1829 (loi du 12 mars), les sergents de Paris sont institués. Portant tricorne et épée, ils constituent la première force de police en uniforme du monde. Ces sergents de ville, dont le surnom “ les sergeots“ et la réputation de brutes va aller grandissant tout le long du XIX siècle, peuvent être promus brigadier (grade créé en 1830) et sont placés sous les ordres d'officiers de paix qui répondent eux-mêmes à ceux d'un commissaire appelé chef de la police municipale à Paris. Arborrant une moustache fournie, (dont le port était obligatoire) ils ont fier allure et seront pour longtemps la figure emblématique du virilisme policier.
Ce système est mis en place dans les grandes villes du royaume et perdurera sous Louis-Philippe après la révolution de juillet.
Dans la continuité de notre propos sur la police des étrangers, il nous semble important d’évoquer pour cette période, l’arrivée entre 1830-1832 d’une immigration polonaise fuyant leur patrie (insurrection polonaise contre la Russie Impériale) qui sera autour de 10.000 en 1839. Si ces soldats et intellectuels avec leur famille ont eu un réel accueil enthousiaste chez les libéraux et républicains, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été l’objet d’une surveillance serrée étant vu comme des suspects. À leur propos le statut d’ennemis de l’intérieur fût vite établie. Ils furent réparti dans des dépôts, lieux de résidences sévèrement réglementés (loi du 21 avril 1832). Les historiens notent que cet épisode fût un “modèle » répressif qui sera appliqué par la suite à toutes les minorités politiques d'origine étrangère.
Notons que ce soit, sous le régime des monarchies constitutionnelles, de la seconde république ou du second Empire, le traitement par une politique de police, des opposants politiques a évolué d’une assignation à résidence, à une arrestation préventive, à la détention dans des prisons dédiées.
A cet effet au début n’exista réellement jusqu’en 1845 qu’un lieu, l’Abbaye du Mont St Michel, comme lieu de détention des prisonniers politiques . "Etre transporté et demeuré à perpétuité dans un lieu déterminé par la loi hors du territoire continental » (Dalloz, t. 35, 1855). Puis se rajoutèrent sous Louis-Philippe, des lieux comme Doullens, Clairvaux puis Belle-île qui ne désemplirent pas. L’île de Ré ne servit de prison politique qu'à partir des années 1961, enfermant les militants de l’OAS.
Du 23 au 26 juin 1848 éclate en France la première grande révolution ouvrière. Des manifestants et émeutiers artisans, employés, ouvriers, des sans emploi érigent des barricades afin de renverser le régime.
La répression qui s’en suivit fût terrible, elle fera plus de 5.500 morts. Des mesures de sûreté générale et des procédures de jugement militaires furent mis en place : La “transportation dans les possessions d’outre-mer“ des individus arrêtés pour avoir pris part à l'insurrection, fût décrété le 27 juin. On estime que 11 722 individus fûrent écroués (parmi lesquels Barbés, Blanqui, Gambon) plus de 4 300 condamnés à la déportation pour 6 600 libérations. Mais il fallût attendre la loi de janvier 1850 pour qu'un lieu fut fixé à cette déportation : l’Algérie.
Par la suite Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République au suffrage universel le 10 décembre 1848. Une ordonnance du 8 avril 1849 rétablit les sergents de ville, dissous après la chute de Louis-Philippe en raison de leur action contre les journaux d’opposition.
Après le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte (2 décembre 1851) ce sont 26 884 personnes qui furent arrêtés et 9 581 qui furent déportés comme prisonniers politiques.
En 1851, une préfecture de police est créée à Lyon sur le modèle parisien. Le coup d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte et l'avènement du second Empire s'accompagnent d'un renforcement des pouvoirs des préfets de police. Celui de Paris prend le contrôle d'un ministère de la police générale recréé, qui redevient très vite une simple direction du ministère de l'intérieur.
En 1853, les banlieues de Paris et de Lyon passent sous l'autorité des préfets de police. Le dispositif est jugé satisfaisant et, en 1855 (loi du 5 mai), toutes les villes de plus de 40 000 habitants voient la création d'une préfecture de police.
Dans le même temps, les maires de ces villes sont nommés par le gouvernement et non plus élus. Créée en 1846, la police des trains devient police spéciale des chemins de fer (décret du 22 février 1855) placée sous l'autorité du chef de la sûreté générale.
1854 fût l’année de la création des bagnes coloniaux comme lieu d'exécution de la peine des travaux forcés, à Cayenne d'abord, puis en Nouvelle Calédonie.
S’opéra peu à peu, que ce soit dans la propagande du pouvoir comme dans la réthorique réglementaire la confusion entre droit commun et prisonnier politique . Comme le dit l’historien Alain Faure « n’allait-on maintenant vers une confusion des statuts, des peines et des lieux d'expiation, autrement dit vers une négation du politique ? »
Sous Napoléon III (1851-1970) le préfet de police Joseph-Marie Piétri, (1866-1873) met en place un réseau d’agents secrets, chargés selon les besoins: de promouvoir des sociétés secrètes de fabriquer des complots ou des grèves, comme les “blouses blanches“, faux ouvriers, payés sur des fonds secrets, simulant dans Paris en 1868 et 1869 des émeutes révolutionnaires destinées à consolider le régime impérial par l’évocation du spectre socialiste et rouge.
Le policier dans ce type de régime est élevé à une fonction politique. Il sera jusqu’à être, un agent électoral (police municipale du XIX ou cas des Etats-Unis). Sans compter les actions dissimulées, où la police intervient dans la compétition politique en distillant a bon escient telle ou telle information du camp adverse dans la presse.
Comme le rappelle l’historien Alain Faure « Instrument d'information politique, la police devint tout naturellement instrument d’intervention…si la police se trouve ainsi souvent mêlée à l'histoire intime des mouvements sociaux et politiques ce n'est jamais que la marque de l'intervention occulte du pouvoir politique Derrière le mouchard, il y a toujours le policier, derrière le policier, il y a toujours les maîtres de l’heure »
Le décret du 17 septembre 1854, va organiser la police municipale parisienne en quadrillant la surveillance par petites parties de quartiers, en îlots. Elle consistera dans une surveillance continue d’une partie de ces îlots, par des policiers attachés à ce quartier. La politique de l’îlotage, ancêtre de la “police de proximité “ était né, “panoptisme mobile“ selon l’historien de la police, Jean-Marc Berlière.
Plus de 107 ans après, le rapport d’Alain Peyrefitte s’en inspirera en notant, qu’il fallait « personnaliser les rapports entre police et le citoyen » ou encore dans sa recommandation n° 81 que « l’intégration du policier dans la cité doit se faire par la généralisation de l’îlotage ».
Il rappellera, d’ailleurs à cette occasion, comme nous l’avons déjà signalé plus haut « les résultats satisfaisants qui sont obtenus dans les zones rurales par l’implantation très décentralisée des brigades territoriales de gendarmerie. » .(12). Démontrant que les pratiques et les dispositifs entre ces deux forces de police ont été constamment en interrelations.
Nous ne pourrons pas ici développer plus avant, l’histoire de la misère sociale dans la capitale au XIX siècle, comme dans les grands villes françaises et donc le suivi par la police de cette population et de ces activités de survie la pluspart illégale. Mais comme nous l’avons déjà vu dans le 1er article, tout le long des XVI et XVIII siècle, une politique de police a aussi une dimension sociale. Rappelons que ce n’est pas par générosité chrétienne, que cette intervention dans le “champ du social“ est menée par les autorités politiques, mais tout simplement parce que, si cette dimension sociale est délaissée voire mal maîtrisée, elle peut se transformer en problème politique majeure.
Tous ces métiers de la rue tenus par des chômeurs, des vieillards, des femmes seules, “métiers de quatre saisons“, chiffonniers, rassemblaient un peuple de 12 à 15.000 personnes. Si la politique de police était sans conteste orientée vers le contrôle tatillon, l’arbitraire, le harcèlement, les amendes et confiscation, il n’en demeure pas moins qu’un équilibre étique pouvait être pratiqué par certains commissaires, faisant le choix d’un laisser-faire controlé, assurant ainsi une relative tranquillité à la rue mais aussi un équilibre sociale, permettant à cette population, la survie. Mais, ne soyons pas naïf, ces compromis pouvaient tout autant cacher des pratiques de recrutement de “mouches“ ou d’indicateur, comme tout aussi bien des pratiques de corruption.
La Commune de Paris (18 mars au 28 mai 1871)
La fin du Second Empire, voit le régime impérial de Napoléon III se libéraliser . Les libertés des réunions publiques et de la presse impulsent un climat social et politique de contestation, de protestation, de manifestation menant même à des journées d’émeutes qui, de 1868 à 1870, vont provoquer très souvent des morts.
Certains historiens ( Quentin Deluermoz) notent que la brutalité des sergents de villes est constamment dénoncée, mais que parallèlement, les dispositifs d’encadrement mis en place petit à petit, par les autorités sont plus respectueux de la loi.
Les autorités se montrent davantage soucieuses du respect des sommations et on observe une évolution certaine des méthodes et des tactiques de maintien de l’ordre mis en place depuis la Seconde République. Si les débordements policiers et la logique de l’affrontement sont toujours présents, ces dispositions et l’arrivée d’un esprit plus libéral va aboutir à un bilan moins “mortel“ .
Dans les années et les mois précédents La Commune de Paris les sergents de ville seront souvent pourchassé, agressé, quand il ne seront pas lynché (Massacre du sous-brigadier Vincenzini le 26 février 1871).
Comme le souligne l’historien Fabien Cardoni « sans nier les brutalités policières, il apparaît bien que le degré de violence recule et que le maintien “républicain“ de l’ordre semble en germe dès le Second Empire. »
Suite aux défaites militaires d’août 1870, à l’annonce de la défaite et à la capture de l’Empereur, parvenue le 3 septembre 1870 à Sedan, celui-ci envoie un télégramme à l’impératrice Eugénie: « Grand désastre, l’armée est défaite et captive, moi-même je suis prisonnier ».
C'est la quatrième fois dans l'Histoire de France qu’un souverain est capturé sur un champ de bataille. Ceci constituera une humiliation pour les élites françaises et aura des conséquences dans l’idéologie de la III république. En effet le nationalisme français ne quittera plus l’horizon bleue des Vosges, rêvera de l’Alsace Lorraine.
Dorénavant la III ème République éduquera sa jeunesse en la préparant physiquement et moralement à la revanche, sans compter l’aventure “civilisatrice“ de la colonisation en Afrique et en Asie, pour se redonner une importance et une place dans le monde.
À Paris, dans la soirée même du 3 septembre, de nombreux mouvements de foule se forment et se déplacent vers la Place de la Concorde et le Palais Bourbon. Le lendemain le 4 septembre, une masse énorme de Parisiens se dirige de nouveau vers le Palais Bourbon, envahit l’Assemblée et demande la chute du régime.
Quentin Deluermoz note que « Les historiens ont montré le caractère ambigu de cette foule, animée par quelques groupes révolutionnaires, mais surtout nerveuse et globalement indéterminée, qui va du palais Bourbon refluer vers l’Hôtel de Ville . C’est là que sont prononcés sous les acclamations de la foule la chute du régime, la République et la mise en place du nouveau gouvernement de Défense nationale. Le changement de régime reste étonnant, notamment au regard de ceux de 1830, 1848, 1851 : pas de morts, peu de blessés, pas de vandalisme »
Comme le dit Stéphane Audoin-Rouzeau, il s’agit moins d’un acte de naissance que d’un constat de décès.
Le 18 mars 1871, à 7 heures du soir, le général Valentin, préfet de police de Paris quitte la préfecture pour Versailles avec 2 000 policiers. Cet événement marque le début de la Commune de Paris. Il installera ses bureaux dans le pavillon Louis XIII du château de Versailles. Son successeur, le Comte Émile de Kératry (1832-1904), homme politique proche de l’orléanisme, va révoquer l’ensemble des sergents de ville, puis les rappeler. Ils hériteront d’un nouvel uniforme, et leur célèbre moustache est rasé. Les sergents de ville deviennent des “gardiens de la paix“. D’après les archives de la préfecture, sur les 4 083 agents décomptés en 1870, près de 2 500 sont partis pour Versailles en mars 1871 .
« La figure du sergent de ville rejoint une liste des « Ennemis » de la Commune, dûment identifiés, qui comprend le prêtre, le propriétaire, le gendarme, le député. Les policiers en tenue symbolisent toujours les sergents de ville du Second Empire, auxquels sont associées les images de violence et d’oppression véhiculées par les républicains de la fin des années 1860. Mais ils représentent aussi les « Versaillais », c’est-à-dire de faux républicains opposés à la Patrie, à Paris et à la Commune et qui représentent la menace immédiate » (Quentin Deluermoz).
Notons qu’en l’absence de commissaire ou de sergents de ville, partis à Versailles, des citoyens dans certains quartiers, vont usurper la fonction (François Bruma tailleur d’habits) et feront régner l’ordre, (Louis Renard, propriétaire d’une maison de tolérance) jusqu’à même faire fusiller certaines personnes.
Raoul Rigault (1846-1871, ancien sous-préfet de Dordogne, ) est nommé délégué à la Sûreté, le 19 mars par le comité central de la Commune. Le 24 mai 1871, en uniforme, un sergent l’arrête à la barricade de la rue Royer-Collard (Ve arr.) et l’exécute d’un coup de revolver en infraction aux ordres reçu de son officier. Raoul Rigault mourut en criant : « Vous êtes des assassins ! Vive la Commune ! » (Notice Le Maitron)
Sur ordre du maréchal Mac-Mahon, commandant en chef de l’armée de Versailles, les gardes nationaux hostiles à la Commune et les gardiens de la paix mobilisés qui servirent d’éclaireurs aux troupes versaillaises, pendant la terrible semaine du 21 au 28 mai 1871, devaient porter des brassards blancs sur le bras droit et des bandeaux de la même couleur, cousus sur leur képi, pour ne pas être confondus avec les insurgés. « Le blanc est la couleur du commandement militaire et avait, pour les officiers versaillais, une connotation monarchique, en opposition avec le drapeau rouge de la Commune ».
La répression politique ou massacre à grand échelle fût programmée par l’Etat, ses généraux et ses forces d’ordre contre la Commune de Paris et fît pendant une semaine, la “Semaine sanglante“, près de 20.000 morts chez les communards. (800 chez les Versaillais, et 100 prêtres fusillés), et provoqua près de 44.000 arrestations (dont 10.137 seront condamnés). 4 586 personnes furent déportées en Nouvelle Calédonie et 251 condamnées aux travaux forcés à Cayenne. Ce sont bien les lois de 1832 et 1850 qui furent utilisées pour justifier cette répression judiciaire.
Quatre mille portraits de communards, sous forme de cartes de visite sont envoyés, par la Préfecture de Police de Paris, à la police des frontières.
Par un arrêté du 20 juin 1871, le président de la République, Adolphe Thiers, fait passer l’effectif des gardiens de la paix de 5 700 à 6 800 agents. Aussi comme l’indique la première note sur l’organisation de la police municipale de juin 1871, elle affirme le prolongement des modalités de celle de 1854, et précise que les agents auront « une constitution plus militaire, et seront liés au joug d’une discipline plus sévère ».
Ce sont ces rares moments historiques où se dévoilent la vraie nature de l’Etat (entre soft et hard power comme nous le verrons plus loin), qui révèle aux yeux de tous qu’elle n’est pas cette institution neutre ou impartiale au service du bien commun, dont les théoriciens libéraux nous content la fable, mais bien une instance qui n’a aucun état d‘âme pour déclencher une guerre civile contre son peuple.
Séquences historiques ou un pouvoir tombe le masque afin qu’apparaisse sa vraie nature de dictature d’un clan, d’une classe. Acte de politique militaire et policier pensé et programmé, outil ultime de dissuasion et de sauvegarde de son ordre. Ce genre d’épisode historique calme et dissuade les opposants pour quelques temps.
Le changement de régime fait naître un nouvel acteur politique à Paris : le conseil municipal qui va s’opposer (sans succès) à cette militarisation de la police. Son projet de police consiste à mettre en place une police civile, administrative et municipale. Si la police municipale reste sous la direction d’une institution dépendant du gouvernement, elle conservera toutefois une fonction politique. Pour devenir pleinement urbaine, elle doit être placée sous la direction de la municipalité.
Après ce siècle de révolutions sans pareil, force est de constater que de 1848 à la Commune de Paris les nouvelles forces révolutionnaires qui ont oeuvrées à la constitution d’un nouvel ordre politique, même dans un temps relativement court, ont eu tout autant souci de mettre en place un ordre public via des forces de police qui empruntaient, les mêmes méthodes que leurs prédécesseurs.
À Lyon par exemple une société ouvrière, les Voraces lyonnais, puissamment armés fera régner l’ordre sur les pentes de la Croix-Rousse (Philippe Vignier) tout comme la “police rouge“ de la commune de Paris, aura la même obsession de la tranquillité des rues, ou une attitude somme toute similaire que celle de l’Empire, face à la délinquance.
N’en doutons pas « l’ordre est aussi une valeur révolutionnaire, en ce sens que son rétablissement et son maintien constituent pour tous ceux qui ont pris le pouvoir ou en occupent une parcelle, la preuve de leur capacité à gouverner, de leur légitimité et de la justesse de leurs actes. L'ordre public n'est jamais que la marque du pouvoir, d'un pouvoir. L’ordre serait-il apolitique ? » Se demande l’historien Alain Faure. (13)
NOTES
(1) Shandiva Banerjee, « Déclaration pour la police des Noirs, 1777 », Revue Alarmer, mis en ligne le 11 novembre 2021.
(2) Thomas Piketty, Capital et Idéologie, Paris, Le Seuil, septembre 2019,
(3) Polices et colonies, XVIIIe-XXe siècle, Université Paris I, place du panthéon,26-28 novembre 2009
(4) “La mission de surveillance générale de la gendarmerie“ Paris L’harmattan 1999
(5) Vincent Milliot, « L’admirable police » : Tenir Paris au siècle des Lumières. Champ Vallon, coll. « Époques »,
(6) La police révolutionnaire Paolo Napoli Naissance de la police moderne (2003
(7) « Réflexions sur l’institution des lieutenants de police, avec la faculté de prévenir les délits d’en rechercher les auteurs » Le Moniteur universel 17 mai 1790 IV p.380
(8) Catherine Denys La police parisienne du XVIIIe siècle
(9) Code des délits et des peines français a été mis en place par la Convention National du 25 octobre 1795 .Ce code sera remplacé par le code d’instruction criminelle de 1808.
(10) D.H Bayley “ The police and political development in Europe“ cité par J;L.Loubet del Bayle dans “Police et politique, une approche sociologique“ l’Harmattan 2016
(11) Michel Foucault, Surveiller et Punir 1975
(12) Rapport A. Peyrefitte “Réponses à la violence“ 1977
(13) Maintien de l'ordre et polices en France et en Europe au XIXe siècle
sous la direction d’Alain Faure Edition Créaphis Paris 1987
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