La Féclaz neige artificielle, l'enquête publique semble patiner!

Les élus de GRAND LAC et GRAND CHAMBÉRY sont-ils crédibles? Dans un grand élan de "EN MÊME TEMPS" ils décrètent l'urgence climatique sur leur territoire et décident d'investir 3,8millions€ dans une usine à neige à La FECLAZ pour gagner(peut-être) une semaine à l'ouverture du ski de fond à l'hiver 2022-2023! Pour eux lutter contre le réchauffement climatique c'est bien évidemment produire du froid! C'est simple comme un bulletin municipal...

...dans son bulletin municipal de septembre-octobre 2019, le maire Des DÉSERTS, Michel ANDRE, va jusqu'à qualifier ce projet d’organisation VERTUEUSE! Si ce n'est pas du "greenwashing"(ravalement en peinture verte), ça y ressemble.

Mais il semblerait que la publication de l'enquête publique prenne du retard. Nous avons appris de source bien informée que deux points restent bloquants. Premièrement: l'utilisation du puisage actuel défini initialement comme potable (La Cha), puis reconnu non potable rendrait caduque l'autorisation initiale de puisage; une nouvelle autorisation serait nécessaire, mais sera t'elle délivrée pour une eau non potable(bactéries pathogènes)? Deuxièmement: des autorisations de passage semblent manquer au dossier.

Michel FRUGIER président du Syndicat Mixte des Stations des Bauges reste très confiant pour la mise en œuvre de ce Grand Projet Inutile à 3,8millions€! Il nous précise que des aller-retours entre le Syndicat Mixte des Stations des Bauges, le CISALB et les services de l’ État(DDT, DREAL) sont en cours pour le démarrage de l'enquête publique à fin décembre 2019(durée de l'enquête: un mois). Par contre au village de La FECLAZ, après nos premiers reportages, on évite de parler au micro...

"Les AMIS de la TERRE en SAVOIE" réagissent face à cette mascarade: "Alors que le changement climatique s'accélère et au moment où Aix-les-bains, Chambéry, Grand Chambéry et Grand lac sont, ou vont, se déclarer en urgence climatique, ce projet de retenue collinaire à La FECLAZ avec pour but unique d'alimenter des canons à neige est en contradiction avec cela... la 1ère décision cohérente et raisonnable serait d'abandonner ce projet de fuite en avant ! C'est un grand projet d'une vision dépassée, grand consommateur d'eau et d'énergie, et à une altitude déraisonnable (< 1500m) où l'on veut essayer de continuer de prolonger de quelques années le ski, sans aucune garantie... car le réchauffement climatique déjà à l'œuvre risque encore de s'accentuer dans les années à venir. Ce projet est tout à fait incompatible avec les sociétés soutenables pour les êtres vivants et la planète que nous défendons. Consacrons les millions d'euros à une autre vision de la montagne et à autre chose de plus utile pour les citoyens en construisant avec eux ce qui peut être fait."

Nous avons interrogé Carmen De JONG (ex-directrice scientifique du Pôle Montagne à Savoie-Technolac), nous publions ci-dessous sa réaction de scientifique amoureuse des Alpes.

Le Massif des Bauges est situé dans la ceinture préalpine la plus marginale et culmine a 2200m(Arcalod), ce qui est l’altitude la plus basse parmi les massifs des Alpes du Nord françaises. Les températures hivernales sont relativement élevées du fait de l’influence des lacs d’Annecy et du Bourget. De ce fait, le massif est dans une position très vulnérable par rapport au changement climatique, en termes d’enneigement, de température de l’air, de température des lacs et cours d’eau.

La station météorologique la plus proche, située au pied du massif à Annecy (447 m) montre une augmentation sensible des températures: 1,5°C entre 1958 et 2002. De manière générale, les Alpes françaises subissent une hausse des températures deux fois supérieure à la moyenne globale, comme le constate un récent rapport du GIEC sur la période(1900-2014). Déjà le fonctionnement des stations de ski dans les Bauges devient de plus en plus intermittente, avec des problèmes récurrents d’ouverture tardive ou de fermeture précoce. Cette tendance n’est pas limitée au massif : d’après le modèle Aladin2 (Scampeii), les chutes de neige (en hauteur de neige déposée) en moyenne montagne diminueront de 54% à 1200 m d’altitude et de 35% à 1800 m d’ici 2021-2050. Vers la fin du siècle(2071-2100), cette réduction atteindra même 85% à 1200 m et 72% à 1800 m.

L’enneigement artificiel, souvent vu comme une façon de s’adapter au changement climatique, y est lui aussi sensible. Les retenues collinaires sont exposées au soleil et a l’air ambiant, et l’eau qui y est prélevée doit en règle générale être refroidie avant utilisation. Ceci même a 2530 m d’altitude (voir les tours de refroidissement installées en 2017 a Lej Alv, St. Moritz, Suisse). Pour former une couche de neige suffisante au fonctionnement d’une piste de ski(fond ou descente), les températures doivent rester à moins de -3°C pendant une fenêtre de 72 heures, même après refroidissement de l’eau utilisée. Ces fenêtres d’enneigement deviendront de plus en plus aléatoires avec le changement climatique (La neige artificielle fabriquée à -1°C est de mauvaise qualité). L’enneigement artificiel peut donc prolonger la période de fonctionnement des stations de ski en hiver, mais ne saurait constituer une garantie de neige ni une adaptation de long terme au changement climatique. Les retenues collinaires sont souvent présentées comme des espaces de loisirs. Mais en réalité, la natation et la pêche sont en règle générale interdites à cause des problèmes de sécurité et hygiène pour les usagers et du risque de perforation de la membrane d’étanchéité. En hiver, il y a souvent de hautes clôtures pour éviter que les skieurs ne percent la glace et tombent dans l’eau.

Le changement climatique réduit la proportion de neige dans les précipitations (même au cœur de la saison hivernale), accélère la fonte, et, dans une moindre mesure, l’évaporation (plus de vent, moins d’humidité relative). Cela aura des effets sur la hauteur et durée de couverture neigeuse, mais le paramètre le plus important pour le cycle de l’eau est l’équivalent en eau de la colonne de neige. D’ici 2050 à une altitude de 1200 m, il y a aura une diminution de l’équivalent en eau de plus de 50% pour toutes les saisons, et encore pire, une diminution de plus de 80% pour 2100, avec une disparition totale en printemps.

Le projet prévoit de construire pour la station de La FECLAZ une retenue collinaire de 30 000 m3. Comme le milieu karstique des Bauges se caractérise par une absence d’eau de surface, l’eau sera pompée à une profondeur de 230m. Il y a un fort risque de conflit d’eau avec l’agriculture et l’eau potable. Les puits de La Cha ont un débit journalier qui fluctue entre 20 et 230 m3/s. Ces résultats ont été obtenus sur une période assez courte, et nous ne disposons pas de données à long terme. Une telle variabilité journalière et saisonnière pose une grande incertitude sur la pérennité de l’approvisionnement en eau. Le manque de précipitations et la saisonnalité du débit sont mentionnés lors de la dernière réunion du Syndicat Mixte des Stations des Bauges, et la délibération reconnait que la retenue ne pourra être remplie que pendant les mois de fonte de neige entre mi-mars et début mai. Pourtant, les retenues collinaires existantes dans les Alpes Françaises et ailleurs se caractérisent par un premier remplissage en printemps/été, suivi par plusieurs cycles de remplissage/utilisation tout au long de la saison hivernale.

Le projet de retenue collinaire ayant des conséquences environnementales et financières sérieuses, il semble peu judicieux d'ignorer ces risques avec des « je ne sais pas » et « on verra », au lieu de procéder à des modélisations hydrologiques sérieuses pour prévoir précisément la disponibilité et variabilité de la disponibilité en eau, en tenant compte des débits réservés et du changement climatique. Même dans des stations de ski ayant des ressources en eau plus abondantes, le sur-pompage en eau souterraine pendant la saison hivernale s’accompagne régulièrement de situations de stress hydrique, au détriment de l’agriculture voire de l’eau potable. Un bassin versant ne constitue nullement un circuit fermé. L’évaporation est redistribuée dans l’ensemble de l’atmosphère et constitue bel et bien une perte pour le bassin versant. On estime que 30%(20% selon Michel Frugier, ndlr) de l’eau s’évapore avant même de se déposer sur les pistes, lors du stockage et lors du trajet des gouttelette dans l’air. En fait, l’évaporation d’une fraction de l’eau d’enneigement est nécessaire à la cristallisation du reste des gouttelettes (d’où la difficulté à fabriquer de la neige artificielle lorsqu’une forte humidité réduit l’évaporation). En outre, même en cas de fonte et infiltration/écoulement, rien ne garantit que l’eau se retrouve en amont du point de captage, et la distribution des flux d’eau et de l’eau souterraine se retrouve perturbée. Sans oublier les effets du stockage sous forme de neige sur la distribution annuelle des débits. Du fait des cycles répétés de remplissage et utilisation, l’eau d’enneigement sera surtout prélevée en hiver, période avec les débits les plus bas. Cette dette d’eau sera liquidée au printemps, venant renforcer les débits et crues de fonte au détriment de la reconstruction de l’eau souterraine.

L’environnement karstique se caractérise par un percolement rapide, peu propice a la purification de l’eau souterraine. L’eau souterraine de La Cha (La Cavale) est très chargé en bactéries pathogènes, et n’est plus utilisée pour l’alimentation en eau potable(mais utlisée pour les 3 canons à neige déjà existants, ndlr). Cette pollution se retrouvera dans l’eau de fonte des pistes de ski. Dans plusieurs autres pays alpins il est interdit d’utiliser de l’eau non-potable pour enneiger(Autriche par exemple), à cause du risque sanitaire pour les skieurs, et des risques de pollution des captages d’eau.

Dans aucune partie de la délibération, un concept pour développer les activités sur 4 saisons est présenté. La commune de La FECLAZ(Les Déserts) est très dépendante du tourisme hivernal. Le déclin de ce dernier devrait être l’occasion de mieux équilibrer la fréquentation sur l’année, afin de mieux rentabiliser les équipements et le parc immobilier. Une telle évolution devrait aussi permettre de pérenniser l’emploi saisonnier, encourageant les saisonniers à s’installer de manière pérenne sur la commune.

Vu les changements climatiques, les risques et le cout du projet, il serait plus judicieux de subventionner des projets durables et responsables à long terme, comme par exemple l’agriculture, l’agritourisme et le tourisme de quatre saisons.

CISALB: Comité Intersyndical pour l’Assainissement du Lac du Bourget(ressource en eau) DDT: Direction Départementale des Territoires en Savoie(service de l’État) DREAL: Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement(service de l’État)

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