Tristesse électorale et souffrance démocratique.

Avec 60 % d’abstention au national, 53,64 % en Savoie et 61 % à Chambéry, l’époque s’enfonce inexorablement dans une fracture civique, conséquence de la faille sociale qui s’élargit de décennies en décennie, laissant apparaître un gouffre politique vertigineux…avec toutes ces conséquences. La responsabilité et la faillite des élites politiques est totale. Au niveau national, aucune surprise, que le vote écologiste est le vent en poupe. Cela correspond bien à la demande (Manif pour le climat etc.. ) qui exprime, de la part de la classe moyenne et supérieure des villes, de plus en plus le désir de vivre mieux et en plus grande qualité (alimentation, eau, air etc..) sur son territoire. Et dans le monde ? Cependant cela nous parait être, aussi, le dernier esquif en vogue pour emmener une gauche plurielle, qui ne dit plus son nom, saupoudré cette fois ci de “citoyennisme“ mais qui s’est bien reconstituée, à quelques exceptions près, et qui surfe opportunément sur cette vague. Sur cet aspect là n’assisterions nous pas simplement à un changement de leadership, bien loin d’un changement de politique ? Ne serions nous pas en présence de nouvelles équipes de “verdissement“ de la façade du capitalisme mondialisé et intégré ? Ce qui caractériserait bien le moment disruptif ( retour du même) dans lequel nous sommes. Ce qui faisait dire à Michel Foucault dés 1977 que “nous sommes renvoyés à l’année 1830, c’est à dire qu’il nous faut tout recommencer“ (1) Le véritable changement ne passera que par la question sociale, culturelle (subjectivités) et fiscale, qui sous-tend une autre répartition des richesses, qui elle, ne s’obtiendra pas en la demandant mais en la prenant de force. Projet politique un peu plus ambitieux.

A Chambéry, soyons aussi triste de ne pas avoir d’opposition de gauche dans ce futur conseil municipal, compte tenu de cette élection municipale faussée, puisqu’il ne fait aucune doute que sans la peur du Covid, la liste “Chambéry Social et Ecologiste“ aurait été présente au 2 ème tour. Cet état de fait abstentionniste, se redouble aussi, en attendant les actes, dans les discours. En effet à Chambéry, les interventions de T.Repentin et Aurelie Le Meur le soir de la célébration de leur victoire, n’ont, à aucun moment, ni évoqué, ni intégré cette réalité. Qu’elle est -elle à Chambéry ? Le nombre de personne en âge de voter serait autour de 45.500 citoyens ce qui veut dire que la liste “Demain Chambéry“ représenterait 14% du corps électoral réel, et 20% du corps électoral officiel (32.000) . Ce type de discours politique fabrique des catégories d’invisibles. À la grande cohorte des “sans“ vient se rajouter celle des “sans vote“. Ce qui ne nous le cachons pas arrange fortement ces élus. La preuve, T.Repentin, renchérit en disant qu’ils ont obtenu « la confiance des quartiers populaires “. ??? De nouveau l’écart est grand entre le discours et la réalité. Si nous ne prenons que les bureaux de vote des quartiers comme Chambéry le haut, le Biollay, et Bellevue qui totalisent autour de 8666 inscrits, le vote Repentin/ Le Meur a obtenu ; 1753 voix soit 20% des votes des quartiers populaires. Où se trouve t-elle donc cette fameuse confiance ?

Elle est bien entendu dans le fait que sur certains bureaux la liste T.Repentin/Le Meur a fait entre 66% et 80% des votants …woahou !! Juste un petit oublie de leur part. Ils ne disent, à aucun moment, que sur ces mêmes bureaux l’abstention a été entre 66% et 75% ! C’est à dire que le corps électoral votant était de moins de 200 personnes !! Est-ce bien cette situation là qui les comble de joie ? Et bien oui ! Pour eux, peu importe que nous soyons carrément en route vers un vote censitaire. Eux, ils sont contents ! Du haut de leur superbe, ces vainqueurs d’un jour remercient les quartiers populaires, remercie Chambéry ; Alors que “Chambéry“ comme ils disent n’a pas, à 86 % voté pour eux. C’est dire l’aveuglement dont ils font déjà preuve et le marasme dans lequel nous sommes. Ainsi, exclure, dans le discours une masse considérable de citoyens, n’est pas simplement qu’une fable que l’on essaye de nous raconter (storytelling) en espérant qu’elle soit auto suggestive, mais constitue aussi, une vraie violence politique symbolique…ne nous étonnons donc pas du retour de manivelle, du retour du refoulé. Ces élections et ces discours qui appartiennent aux “sémiotiques de subjectivation“ (2) cher à F. Guattari, ne peuvent fonder qu’une faible légitimité et une maigre autorité à ce nouveau pouvoir avec toutes les conséquences que cela engendrera. Enivré par leur modestie, par leur petite coterie et surtout l’accès à la manne public, ils ne voient pas ou ne veulent pas voir l’orage qui s’annonce. On est bien là dans l’énonciation performative d’une réalité qui n’existe pas, on est déjà là dans la construction rhétorique d’un mensonge, dans la fabrique d’une “Sensure“, dans l’alimentation sémantique de “l’Entropie“…tout ça dés le premier soir …ça commence mal ! (1) Michel Foucault, Dits et écrits II, 1976-1988, Quarto Gallimard, Paris août 2001, p. 1397. (2) Dans, Les trois Ecologies, Felix Guattari fait reposer le capitalisme mondialisé sur 4 principaux régimes sémiotiques : Economique, Juridique, techno-scientifiques, Subjectivisation. Edition Galilée 1989, p41

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