Islamogauchisme : l'Autocritique

Autocritique Né pendant les années cinquante, adolescent en 1968, j’ai subi des influences dont je mesure tardivement les égarements qu’elles m’ont inspirés. Je reconnais avoir éprouvé un plaisir intense à lire des livres assez habiles pour me faire croire qu’ils ouvraient à mon intelligence trop fragile des espaces de pensée tous plus fallacieux les uns que les autres. Ainsi de ceux qui prétendaient me donner à comprendre l’existence d’un « rapport de domination » dont je comprends aujourd’hui la vanité. Qu’on pardonne ma crédulité quand le Collège de France s’aventurait en recrutant des Bourdieu, Barthes et autre Foucault : comment admettre aujourd’hui que Surveiller et punir puisse inspirer quelque décision politique que ce soit ? Pire encore, comment ai-je pu me laisser abuser par la décision d’un ministre du Général de Gaulle de créer une université libre à Nanterre, de la confier à des universitaires soucieux d’accueillir le tout venant de la société (l’actuel Président de la République) tandis que l’EHESS s’ouvrait à des chercheurs sur projet sans condition de diplôme ? Il faut bien l’avouer, si je ne suis pas sûr d’être devenu gauchiste, une rêverie a pris corps d’une université soucieuse de participer du mieux possible à l’ascenseur social trop souvent, à mon goût, en travaux. Oh le vilain cauchemar. Il faut dire que grâce à l’ouverture d’esprit toute française qui illumine les programmes d’enseignement, j’avais par surcroît, reçu une solide formation en histoire, notamment à propos de cette période entre 1958 et 1962 qui pouvait « tomber au bac » (ouf ce ne fut pas le cas). Par manque de reconnaissance sans doute, je dois bien confesser avoir oublié cet enseignement, tout comme celui de philosophie ou de lettres qui m’a peut-être fait voyager depuis la Perse, l’Irak ou l’Égypte jusqu’à Cordoue et de là en France pour m’expliquer la naissance de l’astronomie ou de la médecine. Et si Molière écrit L’atrabilaire amoureux ou nous parle des Maures c’est dans un « sous »-titre ou depuis la parole d’un valet peu crédible, trop Downstairs pour reprendre le titre d’une exposition à la National Gallery (haut lieu du gauchisme) consacrée aux domestiques dans la peinture. Il arrive, uniquement parce que l’histoire est méchante, bien entendu, que tous ces personnages subalternes dont Hugo écrit l’attachement qu’ils peuvent susciter, aient été rendus ingrats par l’occupation de leur pays, de leur culture par des étrangers. Ainsi croira-t-on qu’un pays grand comme l’Inde ait pu être occupé (de méchants esprits disent colonisé) par les Britanniques pendant deux siècles ? Et que pour étudier la période « post coloniale » deux Indiens, chercheurs à l’université, une femme et un homme, fondent les subaltern studies ? Cette idée, mauvaise comme un virus, contamine les meilleurs esprits américains, même Harvard ou Standford n’ont pas le temps d’inventer un vaccin. Les chercheurs français n’ont pas d’excuse puisqu’ils sont prévenus. Mais c’est subtil un virus, cette idée qui viendrait « de l’étranger » a pour fondement, de l’aveu même de ses inventeurs indiens, les livres de Michel Foucault. Il est déjà là le variant. Mon crime est grand on le voit, puisque grâce à Molière (à quelques voyages à Venise aussi) et tout récemment à Boussole (que Mathias Enard m’excuse ici de le compromettre) je me suis dit que le mot « arabe » désignait peut-être une culture, une poésie, une sensibilité, un imaginaire (à quoi peut ressembler une mosquée bleue ?) comparables à ceux dont il faudrait que je fasse mon identité. Et je suis bien ingrat, moi l’islamogauchiste, qui suis à peine une motte de ce « terrain » comme on dit dans les administrations, terrain soigneusement recouvert de portails numériques où circulent mes datas, moi dont la vie à venir est comprise entre parcoursup et inforetraite, ces lieux d’eden politique sans responsables, sans interlocuteur et sans honneur : la France du nouveau monde. Patrick LONGUET Professeur des Universités (Lettres) Docteur - agrégé Habilité à Diriger des Recherches

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