Chambéry : Les écuries de Boigne en préparation avant leur expulsion

Nous comptions diffuser aujourd'hui l'article que nous a envoyé Maurane Grégoire, future élève journaliste à l'ESJ de Momtpellier, qui a passé quelques jours, en immersion, au Centre Culturel autogéré Les Ecuries, quand nous avons appris l'expulsion par les forces de l'ordre, ce mercredi 28 juillet vers 6H30. Nous portons donc à votre connaissance, les impressions recueillies dans les derniers jours. Article de Grégoire Maurane Le centre culturel autogéré de Chambéry était expulsable depuis le jeudi 22 juillet dernier. Dans l’appréhension de l’arrivée des forces de l’ordre, les occupant.e.s préparaient l’offensive depuis cinq jours. Ce jeudi ( 22 juillet 2021) les barricades sont en place. Les habitant.e.s sont prêt.e.s. Mais, les forces de l’ordre ne sont pas au rendez-vous. Le lendemain, idem. Vendredi 23 juillet, à six heures, une dizaine de personnes est réunie devant le portail. Un bac de jardinage, servant de barricade devant le portail, sert aussi de table de petit-déjeuner. Autour de croissants, de pains au chocolat et d’un café, les premiers.ères levé.e.s échangent. La nuit n’a pas été très longue. A deux heures du matin, les habitant.e.s ont essuyé une attaque de fascistes. Les « fafs » ont suivi leur procédure habituelle : lancer de cannettes et autres ustensiles. Mais cette fois, l’un d’entre eux a tenté de franchir le mur, près de la maison. Un occupant est sorti, leur a crié dessus et, heureusement, ils sont partis. Ils n’ont pas oublié de crever les pneus des vélos sur leur chemin. C’est pourquoi ce matin, une fatigue générale se lit sur les visages. Entre blagues et échanges engagés, les discussions s’interrompent, quand un bruit de moteur résonne. Un binôme part faire une ronde, discrètement, au cas où les véhicules de police arrivent. Fausse alerte. Une conversation s’engage sur le pass sanitaire. Il a finalement été adopté par l’Assemblée nationale pendant la nuit. A dix heures, toujours aucun signe d’expulsion. La grille du portail est rouverte et la vie reprend aux Ecuries. Une session de nettoyage est entamée pour accueillir le public. A vingt heures, c’est l’heure de la réunion. Elle débute avec les solutions possibles pour que le collectif poursuive son projet. Des discussions pourraient être entamées avec la mairie de Barberaz pour trouver un nouveau lieu. Un débat démarre sur deux stratégies. La première est de continuer à organiser des évènements pour faire vivre le centre culturel le plus longtemps possible. La deuxième est, au contraire, de garder de l’énergie pour trouver un nouvel espace. Les esprits s’échauffent un peu, mais les tours de parole sont respectés. Finalement, les deux idées seront concrétisées en parallèle. En ce qui concerne les barricades, elles deviendront plus mobiles pour faciliter la circulation des visiteurs.euses. La soirée avance, et autour des dix heures, une chorale informelle s’élance. Aux premiers couplets d’ Allez les Gars, Déjà Mal Mariée et Je Suis Fille, tout le monde se met à chanter. La nuit progresse, il est temps de se dire au revoir. Celles et ceux qui rentrent chez eux, s’en vont. Pour les autres, une des occupantes détaille le protocole de fermeture du lieu.

Le samedi matin, quelques occupant.e.s et soutiens sont déjà réveillés. Depuis l’intérieur des espaces habitables, il faut débarricader la porte pour pouvoir sortir. Dans la cour, un débat sur les vaccins à ARN est en cours. Est mise en question la méthodologie, et les sources d’informations nombreuses et contradictoires. Les résident.e.s se réveillent et un groupe se prépare pour la manifestation, de quatorze heures, contre l’imposition du pass sanitaire. C’est au final, une vingtaine de personnes qui sera réunie, chemises à carreaux rouges et noires et drapeaux antifascistes, au milieu des cinq mille manifestants. Après une longue marche dans les rues chambériennes, le groupe repart se rafraîchir. A vingt deux heures une soirée ouverte à tou.te.s commence aux Ecuries. Les occupant.e.s feront DJ l’un.e après l’autre. Du roots à la cumbia, sans oublier le punk et le métal, le choix musical est éclectique. Les résident.e.s échangent sur comment accueillir tous les publics, quelle culture pour qui… On discute de l’écart entre la culture nationale et la culture de rue. Tôt le matin, les discussions se termineront autour d’un débat sur la question « Doit-on séparer l’artiste de son œuvre ? » A cinq heures, il est temps de fermer le centre. Le protocole s’est allégé par rapport à la veille. Les expulsions sont moins fréquentes les dimanches. Le dimanche matin, les habitants étudient ensemble la meilleure stratégie à adopter le jour de leur expulsion. Ils calculent les risques encourus par rapport aux soutiens dont ils bénéficient. Pour se détendre après plusieurs jours de tension, ils et elles installent des baignoires au milieu de la cour pour former un espace aquatique ouvert au public. Un atelier massage est initié. Certain.e.s occupant.e.s décident de s’exprimer sur leurs attentes par rapport à la répartition des tâches et leur besoin d’une plus grande équité. La vision de chacun d’une lutte sociale est mise en question. Comme dans tout combat, chacun.e a ses propres attentes. Un retour est fait sur l’organisation du groupe durant la manifestation et comment elle peut être améliorée. La soirée du dimanche soir se fait dans une ambiance tranquille pour se tenir prêt.e.s, pour une expulsion potentielle le lendemain.

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