L’Etat français et sa police sont -ils racistes ? Du déshonneur de la III ème république à la Police de Vichy (6)
Violences policières ou violences d’Etat ? (6)
Police l’impossible confiance
L’Etat français et sa police sont -ils racistes ?
« En 1917, j’ai mis fin aux mutineries. En 1940 j’ai mis un terme à la déroute.
Aujourd’hui c’est vous-même que je veux sauver » Philippe Pétain
Du déshonneur de la III ème république à la Police de Vichy
Dans cet article nous continuons à nous poser historiquement l’évolution d’une politique de la police et évoquons plus particulièrement plusieurs événements et époques qui sont emblématiques des pratiques du pouvoir concernant l’utilisation de sa police à travers ; le grand enfermement des réfugiés étrangers (Espagnols, Allemands, Polonais et les étrangers de confessions juives) sous le gouvernement Daladier, le Gouvernement de Vichy père de la Police moderne et l’épuration dans la police qui s’en suivit à la Libération.
Et pour finir nous évoquerons la répression des luttes coloniales qui auront une répercussion importantes et jusqu’à nos jours, sur la doctrine d’Etat et les pratiques policières appliquées sur les populations d’aujourd’hui issus de ces colonies.
Ces exemples historiques récurrents posent légitimement la question de savoir si cet Etat, qu’il soit “Français“ ou “Républicain“ et ses forces de l’ordre ne développent pas une répression féroce contre les classes populaires doublé d’un tropisme raciste.
Le Gouvernement Daladier ou l’enfermement des étrangers et leur utilisation comme main d’oeuvre docile.
Le regroupement des étrangers réfugiés, fuyant le franquisme, la fascisme italien ou le nazisme allemand, dont une proportion important de juifs étrangers a commencé bien avant la guerre. C’est le décret-loi du 2 mai 1938 qui va autoriser l’assignation à résidence pour les “hôtes irréguliers“. Hommes, femmes et enfants vont être entassés dans des camps de concentrations, sans eau courante et avec une alimentation insuffisante. C’est au printemps 1939 que le gouvernement Daladier (Grand figure du radicalisme socialiste participant au Front Populaire) envisage d’employer la main-d’oeuvre étrangère. Le décret du 12 avril 1939 oblige les étrangers réfugiés ou apatrides de sexe masculin âgés de 20 à 48 ans à fournir en temps de paix des “prestations“ à l’armée française. En mai 1939 et janvier 1940 seront créées les Compagnies de travailleurs étrangers (CTE) .
Le 3 septembre 1939, jour de la déclaration de guerre, il existait prés de 100 CTE regroupant plus de 20.000 réfugiés espagnols auxquels viendront s’ajouter rapidement des réfugiés allemands, parmi eux de nombreux juifs et des anciens légionnaires.
Sous le gouvernement de Vichy les CTE deviennent des Groupements de travailleurs étrangers (GTE) . Compte tenu de l’absence de 1,8 millions de travailleurs, prisonniers en Allemagne, ces travailleurs étrangers vont devenir une main-d’oeuvre corvéable à merci, non payés, ils vont servir pour l’émargement des routes, la construction de barrage, les coupes de bois ou même ils seront employés dans des mines.
Parallèlement d’autres camps regroupant la population sont mis en place, encadrés et surveillé par la gendarmerie nationale. On peut citer par exemple, le gardiennage très durs et sans aucune humanité fait par la police ou la gendarmerie des camps de Beaune-la- Rolande, à Pithiviers, Camps des Milles (10.000 prisonniers), du Vernet en Ariège, (40.000 prisonniers), Gurs, Argeles etc…
Les Savoie auront 5 GTE, le 5ème à Voglans, le 517ème à Annecy (1). Le 974 ème se trouvera à Ruffieux. C’est au bout du lac du Bourget, en Chautagne sur le lieu dit Saumont que ce camp s’installera. C’est en Janvier 1942 par une circulaire du ministre de l’intérieur Pucheu, que l’on commence à regrouper les juifs entre eux. Ainsi les critères “raciaux“ sont clairement édictés pour ségréguer des populations.
Ces groupes sont appelés « palestiniens », le camp de Saumont à Ruffieux est un des plus important regroupement de travailleurs juifs, on en compte jusqu’à 200. Les conditions y sont plus difficiles que dans les autres camps, la situation y est qualifié de « déplorable ». Ils travaillent sans rémunération, pour les Eaux et Forêts, vêtus de haillons, sans chaussettes et ayant des rations alimentaires insuffisantes.
C’est la gendarmerie qui intervient pour régler les conflits ou retrouver les fugitifs. Le 17 août 1942 la gendarmerie encercle le camp, et vont « brutaliser comme des bêtes » (2) les travailleurs juifs pendant plusieurs jours
Le 24 août 1942 le premier convoi de 168 travailleur étrangers juifs part de la gare de Culoz pour Drancy puis l’Allemagne.
Dans la nuit du 25 au 26 août en Savoie la grande rafle d’août 1942 est déclenché. À Chambéry, c’est la police qui se charge des arrestations qui ont lieu de 0h30 à 2h. La gendarmerie s’occupera des zones rurales. Au total ce sont près de 100 personnes qui seront déportés. Ces rafles se dérouleront en France dans toute la zone “non occupée“.
En Savoie, bien que les faits est été occultés pendant plus de 50 ans, c’est grâce aux recherches de Gérard Gobitz, que nous savons aujourd’hui que ce sont plus de 600 juifs qui ont été déportés et non 140 figurant dans sa carte de la souffrance“ établit par le colonel Pochard en 1971.(3)
La Police de Pétain et de l’occupant nazi
La police française fera preuve d’une efficacité remarquable (dés octobre 1940 constitution du fichier Tulard, père de l’historien Jean Tulard) : fichages massifs et détaillés, arrestations de masse, opérations musclées, écoutes perfectionnées, infiltrations de réseaux de la Résistance, un panoptique administratif généralisé est déployé.
Des 1940 le gouvernement du maréchal Pétain, pour asseoir son autorité, pratique une épuration massive des cadres de la police (plus de 50% des préfets et des commissaires sont révoqués) et une réforme profonde des structures de police. Compte tenu qu’ils se comptent sur les doigts de la main, nous ne pouvons que rendre hommage au sous-préfet et préfet qui ont résisté à ce gouvernement fasciste. Le plus connue d’entre eux est bien sûr, Jean Moulin (sous-préfet d’Albertville, préfet de l’Aveyron et d’Eure et Loire) mais aussi Frédéric Empaytaz, qui fût le dernier préfet du Lot sous Vichy (mars à Août 1944) prévenait les juifs et les résistants de leurs arrestation éminente, sans lui la libération de Cahors aurait été un bain de sang inouï.
C’est aussi à la même époque que la police du renseignement (RG), qui est une police politique, sera constituée en une direction nationale (qui existe toujours, devenu DGSI et SCRT, ). C’est aussi la même année que vont être créés massivement des groupes de réserve mobile, qui deviendront en 1944 les compagnies républicaines de sécurité (CRS), instituant plus particulièrement une police du maintien de l’ordre. Le gouvernement de Vichy va doter aussi la police d’un statut spécial et unique qui soumet les policiers à des règles plus unifiées, plus cohérentes.
La loi du 10 Avril 1941 du Gouvernement de Vichy (Darlan) va organiser l’étatisation de la police pour toutes les villes de plus de 10.000 habitants. Réforme directement inspirée par le syndicat des commissaires de police (4), appuyée par les forces des droites conservatrices et traditionnelles, mais aussi sur la base de principes technocratiques de gestion (rationalité des processus et des coûts).
Le 23 avril 1941 la Police Nationale est créée. Elle est dirigée par un secrétaire général pour la police, chef d'une direction générale de la Police nationale. Elle reconduira la séparation entre police parisienne (La Préfecture de Police) et celle du reste de la France.
Le gouvernement de Vichy va créer aussi l’Ecole Nationale de la Police de Saint Cyr-au-Mont-D’Or, pour former les futurs commissaires qui est toujours en fonctionnement en 2024. Les moyens alloués à cette nouvelle police française vont être sans précédent .
En octobre 1941, le ministre de l'Intérieur Pierre Pucheu crée le Service de police anti-communiste (SPAC) qui devient en juin 1942 après son départ, le Service de répression des menées antinationales (SRMAN).
En Juin 1941 le nouveau statut des juifs est promulgué. Une police aux questions juives s’en suivra. En juillet 1941 l’assemblée des cardinaux et archevêques de France réunit déclare
« Nous voulons que, sans inféodation, soit pratiqué un loyalisme sincère et complet envers le pouvoir établi. Nous vénérons le chef de l’Etat et nous demandons instamment que se réalise autour de lui l’union de tous les Français ».
De leur côtés, les 16 et 17 septembre 1941, les protestants réprouveront clairement les mesures antisémites de Vichy dans les huit thèses de Pomeyrol. Nous en citons deux : « …elle élève une protestation solennelle contre tout statut rejetant les juifs hors des communautés humaines ». Dans la thèse 8 : « dénonçant les équivoques, l’Église affirme qu’on ne saurait présenter l’inévitable soumission au vainqueur comme un acte de libre adhésion… elle considère comme une nécessité spirituelle la résistance à toute influence totalitaire et idolâtre ».
Ces réformes de la police vont permettre de resserrer la centralisation et la discipline, des différentes directions et services. Ces principes seront confirmés par la loi 1948, qui instaure un statut commun pour tous les personnels de police.
Ce statut spécial déroge au statut de la fonction publique (droit syndical mais interdiction de faire grève).
De 1940 à 1944 la police française obéit à l’Etat National du gouvernement de Vichy et se met au service du Maréchal Pétain, et de l’occupant nazi « un policier est un soldat de la loi » sans aucun mouvement de masse de contestation, exécutant souvent d’une façon même zélé les demandes de l’occupant allemand et nazi.
La collaboration systémique et sans faille de la police s’étendra à la participation aux milliers d’arrestations de juifs dans toute la France.
Ce qui n’empêcha pas des policiers de rentrer individuellement en résistance ou par petits groupes, on peut citer les réseaux Valmy (Arsene Poncey alias Capitaine Lapeyroux), la célèbre compagnie de musique des gardiens de la paix de la Préfecture de Police, éditant le journal “La France combattante“ ou au sein de l’Ecole des gardiens de la Paix ou encore le commando sous la direction de Poulain ( gardien de la paix à Gentilly) qui abattit Philippe Henriot en juin 1944, (député et homme politique avant la guerre, milicien et orateur influent de Radio-Paris), il était temps.
Il nous paraît important de décrire des exemples concret et du quotidien des pratiques de police dans cette époque et dans ces circonstances.
Les fusillés de Chateaubriand « On dira que c’étaient des communistes » écrira Aragon.
En octobre 1941, le camp de Chateaubriand, gardé par des gendarmes, comprend plus 400 prisonniers politique et autres. Le 20 octobre un officier allemand a été tué à Nantes. La direction du camp livre 200 dossiers au ministre de l’intérieur, où seront choisi les otages, “les martyrs“.
Les 27 prisonniers désigné seront “préparés“ par les gendarmes français commandé par le Lieutenant Touya (Il sera promu capitaine et décoré de la légion d’honneur à la Libération) sous le regard des allemands et emmener en camion le 22 octobre, certains d’entre eux devaient être libéré dans quelques jours, il seront tous fusillés dans une forêt proche. Guy Moquet âgé de 17 ans fera parti du convoi.
À Nantes il seront 48 fusillés.
Notons “l’excellence“ des services de police sous l’occupation qui en terme d’objectifs atteints, étaient au top d’une “politique du chiffre “ management optimum de l’époque, dans la chasse qu’elle a mené contre les opposants, les résistants au régime d’occupation et contre les juifs dans les nombreuses rafles qu’elle a effectué, pour le compte du pouvoir politique, et souvent avec zèle, dans toute la France.
Une “place d’honneur“ doit être réservée à la brigade spéciale des renseignement généraux (BS), qui en 1921 avait pour unique tâche, la chasse aux communistes et qui à partir de 1941, démantela nombre de réseaux de résistance à Paris (Groupe FTP MOI Manoukian) et en province.
L’exemple de la rafle du Vél d’hiv est là pout illustrer admirablement “la performance managériale“ de la police parisienne .
Les 16 et 17 juillet 1942 à Paris, sans l’aide d’aucun soldat allemand (fait unique en Europe) 7000 gardiens de la paix et policiers en civils, sous les ordres de René Bousquet, ont raflé près de 15.000 juifs et leurs familles, les rassemblant au Vél d’hiv et à Drancy, avant de les acheminer, grâce aussi à la “ performance d’entreprise” de la SNCF, qui fût elle aussi « une entreprise d’État, a été – contrainte, réquisitionnée – un rouage de la machine nazie d’extermination. » dans les camps de la mort, selon les propos du Pdg Guillaume Pepy, (discours du 25 janvier 2011 reprenant les termes de celui de J.Chirac en juillet 1995).
Saluons, ici l’action remarquable de Alain Lipietz qui intenta le procès contre la Sncf afin de faire éclater la vérité sur la responsabilité de cette entreprise dans le transport de ses parents et des déportés vers la mort.
Ce qu’a révélé, entre autres, le procès Lipietz, et qui n’est pas un détail, mais qui est toujours aussi ignoré par le grand public, est la non obligation de transporter les déportés dans des wagons “à bestiaux“ ( de 15 à 30% de morts pendant le voyage selon les convois dûs à ces conditions spécifiques).
Cette demande ne figurait pas, ni dans la fameuse “convention d’armistice“ qui est souvent prétexté comme une obligation d’obéir aux ordres de l’occupant, pour la bonne raison qu’en 1940, il n’y avait pas encore de déportation, ni émanant d’aucun texte de l’occupant .
Ce sont donc bien les administrateurs français, hauts fonctionnaires, polytechniciens de la direction de la SNCF, qui seuls ont pris une telle décision.
Pourquoi ? Pour les mêmes raisons qu’aujourd’hui les gouvernements détruisent le service public afin de réduire les coûts, peut importe ce que cela peut entraîner pour les populations. On est bien là au coeur de l’objectif mortifère du néo-libéralisme.
Rien ne les dégoutaient, puisque ces administrateurs de la SNCF ont été capable, après cette barbarie de présenter les factures du dernier convoi parti pour l’Allemagne, 6 mois après la Libération, au gouvernement provisoire afin quelle soit réglée.
On peut dire que les sauvetages effectués par des cheminots français, ( par exemple celui Lille-Fives lors de la grande rafle du 11 septembre 1942, qui sauva entre 40 à 60 juifs) même s’ils constituent une goutte d’eau ont sauvé quelques peu l’honneur de cette entreprise. Ce sont 55 cheminots qui ont été reconnus comme “Justes parmi les Nations“, par l’État d’Israël, pour avoir sauvé ou hébergé des Juifs.
Sans développer ce débat historique complexe il convient pour mieux comprendre ces enjeux d’hier d’élargir la focale afin de mieux mobiliser nos esprits pour aujourd’hui .
Rappelons le comportement célèbres par leur férocité des Groupes mobiles de réserves (GMR), ancêtres des CRS, dans leurs actions contre les maquis sous Vichy.
Signalons que la Gendarmerie Nationale a accompli en interne il y a quelques années, un travail mémoriel et éthique remarquable venant d’un tel corps d’armée : en se posant clairement la question de la réaction de son institution face à un tel événement qui se déroulerait au XXI ème siècle. L’histoire à venir jugera des nouvelles résolutions.
La Milice Française
Sans pouvoir développer ce sujet, en parlant d’une politique de police de cette période on ne peut pas ne pas évoquer la Milice, de son vrai nom La Milice Française, c’est à dire de l’Etat Français. Crée en janvier 1943, son chef politique est bien Pierre Laval, et son chef opérationnel Joseph Darnand, français officier waffen SS., qui était déjà à l’origine en 1941 de la création du Service d’Ordre Légionnaire, (Paul Touvier en sera le secrétaire départemental en Savoie) précurseur de la milice.
Forte de 30.000 adhérents, la partie constitué en police para-militaire est de 15.000 hommes (La Franc-Garde). Si la Milice est bien une organisation fasciste, police supplétive de la Gestapo, n’oublions qu’elle est, en plus d’avoir semer la terreur et l’horreur dans le pays (Ex : Maquis des Gliéres) d’avoir torturer et tuer des centaines de juifs, de résistants, aussi une organisation mafieuse, qui va piller, rançonner, s’accaparer une quantité de bien énorme.
Ce qui nécessitera la gestion d’entrepôt où le butin des rapines étaient entreposés. Le 30 décembre 1943, Joseph Darnand (ancien de la Cagoule) est nommé secrétaire d'État ; le 1er janvier 1944 il devient responsable du Maintien de l’ordre ; secrétaire d’État à l’Intérieur le 13 juin 1944. Il devient dés lors le patron de toutes les polices françaises en Zone Nord comme en zone Sud.
Un véritable Etat milicien et policier va se mettre en place. Fin 1944, les allemands autoriseront les activités de la milice en zone nord. La Milice aura aussi en charge l’ensemble de la propagande (Philippe Henriot) et contrôlera de plus en plus une partie de la haute administration (Intendant, Préfet, etc..).
Elle sera l’acteur principal de la guerre civile qui se déroule en France, en ayant comme modèle la SS allemande.
« Avec le concours de cette pure et solide police, nous pourrons chez nous frapper d'inhibition toute velléité révolutionnaire et toute tentative intérieure d'appuyer les hordes de l'Est, en même temps que nous défendrons nos biens, nos foyers, notre civilisation tout entière. » Charles Maurras.
Au sein de la direction de la sécurité publique, une sous-direction des compagnies républicaines de sécurité est créée, qui sera érigée en réserve générale après les grands mouvements de grève de 1947.
Le principe est conservé d'une police d'Etat dans les villes de plus de 10 000 habitants.
La préfecture de police de Paris, garde son autonomie
A la libération, l'ordonnance du 16 novembre 1944 rétablit la direction générale de la sûreté nationale. Rattachée au ministère de l'intérieur, elle comprend quatre grandes directions actives : police judiciaire, sécurité publique, renseignements généraux et surveillance du territoire, ainsi que des directions administratives : personnel et administration, matériel, étrangers.
L’épuration dans la police (5)
La commission d’épuration, (présidée par Arthur Airaud, torturé par les BS) et qui officia en dehors de tout cadre juridique, examina 4000 cas (soit 20% des effectifs) de 1944-1945. S’en suivi : 472 avertissements et blâmes, 235 rétrogradations, retard d’avancement, 700 révocation sans pensions, 75 avec pensions, 60 mises à la retraite, 196 condamnations, 20 à la peine de mort, suivies de 7 exécutions. 190 commissaires ont été “épurés“ dont 98 sanctionnés sur les 235 policiers des BS, 186 ont été “épurés“.
Mais insistons sur le fait que même ici, ce ne sont souvent que des gardiens de la paix et de simples exécutants qui seront sanctionnés et radiés. « Vous avez devant vous un policier, qui n’a fait qu’obéir .C’est un simple exécutant, les grands responsables ne sont pas devant vous et ils n’y viendront jamais » (Maître Floriot, plaidoirie au procès Bélard, 5 décembre 1945).
A l’instar d’un Bousquet, d’un Laval, d’un Papon, nombre de préfet (R.Langeron, Amédée Bussière) de directeur et de chef de service ou des directions de la police générale ou des affaires juives, ont eu la chance que la commission d’épuration fut prise de mansuétude à leur égards.
« Compte tenu de l’illégalité de la commission d’épuration, en 1947, un arrêté du préfet Léonard, pris le 21 juillet à la suite d'un vote du Conseil municipal de Paris, créa officiellement une commission consultative de révision des sanctions relatives à l'épuration (CC) : sur quelque 6l6 cas que cette instance va, à la majorité simple, se prononcer et émettre 149 propositions de maintien, 288 d'atténuation et 179 d'annulation de sanction aux préfets de police » (6)
Le 6 août 1953 la loi d’amnistie fut prononcée. Après cette loi, 30 “épurés“ sur les 89 qui ont sollicité une révision de leur cas — ont vu leur sanction maintenue.
Il est manifeste que le pouvoir exécutif (Général de Gaulle) n’a pas eu la main trop lourde sur la police parisienne et nationale, car il ne pouvait pas, dans cette période agitée où les risques insurrectionnels ou supposés des communistes (rappelons que les BS ont été créés des 1921 pour les traquer), étaient prégnants, se passer en aucun cas d’une force d’ordre à Paris et dans le reste de la France.
Enfin insistons sur cette question:
Les forces de l’ordre de l’Etat, peuvent-elles désobéir au pouvoir qu’elles servent ?
Comme le dit l’historien Jean Marc Berlière, « L'épuration va s'attacher à démontrer que, zèle et initiative, sont devenus des éléments constitutifs du crime quand il s'agit d'un policier. ».
Beauval, un ancien inspecteur principal-adjoint des RG (fils de gardien de la paix, chargé successivement par la Troisième République d'enquêter sur la Cagoule, de surveiller Marquet et Rebatet, avant d'être versé, en mars 1940, dans la l ère BS et de consacrer dès lors son attention aux milieux communistes ) écrit dans son mémoire de défense:
« Policier de métier, loyal et honnête, dévoué aux institutions républicaines, j'ai été amené, pendant ma carrière, à m'occuper de personnalités politiques venant de tous les horizons ... ce qui est le propre d'un policier de métier dont le rôle est de renseigner le gouvernement »,
le commissaire du gouvernement répondait par avance pour réclamer et obtenir la tête de cet inspecteur des BS:
«Vous avez reçu des ordres? Eh bien il y a des ordres qu'on n'exécute pas! » (Procés Beauval 29 septembre 1944).(7)
9 juin 1945 sera crée la première école de formation initiale : l’Ecole de gendarmerie de Chaumont.
Evoquons malheureusement trop rapidement les carnages terribles que l’on peut qualifier de crime d’Etat, par le gouvernement français provisoire présidé par le Général de Gaulle et où siégeait, socialistes et communistes, contre les populations des colonies, afin de défendre et protéger les intérêts stratégique français (pétrole etc..).
Les massacres coloniaux de l'Etat Français , terreau du maintien de l'ordre des populations immigrées
-Du 8 mai au 26 juin1945 suite aux manifestations des nationalistes et anti-colonialistes Algériens qui ont eu le lieu le 8 mais 1945 dans le Constantinois, un massacre programmé et continue va se dérouler à Sétif, Guelma, Kherrata.
Pour fêter la fin des hostilités de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des Alliés sur les forces de l'Axe en Europe, un défilé est organisé. Les partis nationalistes algériens, profitant de l'audience particulière donnée à cette journée, appellent à des manifestations pour rappeler leurs revendications. Les manifestations sont autorisées par les autorités à la condition que seuls des drapeaux français soient agités.
C’est un policier, qui devant un scout portant un drapeau algérien, va l’abattre d’un coup de revolver, ce qui va déclencher des émeutes., qui feront près de 200 morts parmi les européens.
Pendant plus d’un mois, les populations civiles femmes, enfants et vieillards furent massacré par voie aérienne, par les canons de la marine nationale, par les milices de colons avec la complicité des policiers, gendarmes, et juges français.
Exécutions sommaires, des dizaines d’algériens furent brûler vivants, le four crématoire Lavie fonctionna pendant 10 jours, 1 mois à peine après la libération du dernier camp d’extermination nazie.
Le chiffre de 45.000 morts fût avancé par le gouvernement Algérien.
« C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. » Kateb Yacine
Dés le 12 mai, on peut lire dans L'Humanité qu’il faut « châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute »
Le 11 juillet, Étienne Fajon, membre du bureau politique du Parti communiste français qui participe alors au gouvernement du général de Gaulle, déclare devant l'Assemblée consultative que « les tueries de Sétif et de Guelma sont la manifestation d'un complot fasciste qui a trouvé des agents dans les milieux nationalistes ». Les nationalistes Algériens du FLN s'en souviendront.
-19 mai 1945 Destruction du parlement Syrien et bombardement de la ville de Damas, près de 600 morts en 3 jours. La Syrie deviendra indépendante en décembre 1945.
Le 23 novembre 1946 la France bombarde à Haïphong au Vietnam. Il fera 6000 morts principalement des civils, et provoque le début de la guerre d'Indochine avec la bataille de Hanoï en décembre 1946.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, nous ne sommes pas éloigné de notre sujet, puisque ce sont dans ces surveillances et contrôles généralisés des populations coloniales, leurs tueries, leurs massacres, que vont se forger les doctrines contre insurrectionnelles et contre révolutionnaires, qui alimenteront les futures pratiques policières de métropole. Nous y reviendrons plus avant dans les articles suivants
La continuité sera absolument respectée, puisque ce sont les mêmes hommes d'Indochine, d'Algérie, qui s’illustreront dans ces tâches, une fois rentré au pays.
Ils exporteront même leur savoir faire au Etats-Unis, en Amérique Latine en Israël à partir des années 1960.
Notes
(1) Les juifs en Savoie de 1940 à 1944 Cédric Brunier , 2002
(2) Ibid
(3) Ibid
(4) Marcel Sicot, Servitudes et grandeurs policières : quarante ans à la sureté. La Production de Paris 1954
(5)Pour cette période nous avons largement empruntés les faits et données dans les ouvrages de référence que sont ceux de Jean Marc Berlière, et Laurent Chabrun “Les policiers Français sous l’occupation“ chez Perrin 2001 et le “Monde des polices en France“.Editions Complexes 1999
(6)Ibid
(7) Ibid
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